Dernière mise à jour le 24.01.2024
gaz & électricité

Transition énergétique dans les ZNI

Certains territoires ne sont pas connectés au réseau d’électricité continental (ou de façon limitée dans le cas de la Corse) et voient leur approvisionnement en électricité spécifiquement contraint : on les regroupe sous le nom de zones non interconnectées (ZNI).

Ces zones regroupent notamment :

  • les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) ;
  • les collectivités territoriales à statut particulier (Corse) ;
  • certaines collectivités d’outre-mer (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna, Mayotte) ;
  • les îles du Ponant (les îles de Sein, Molène, Ouessant et Chausey).

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont des statuts particuliers et ne sont pas considérées comme des ZNI.

 

Des spécificités énergétiques, un traitement particulier

Des coûts de production élevés

Les caractéristiques climatiques et géographiques des ZNI ainsi que la petite taille de leurs systèmes électriques créent de fortes contraintes pour le mix énergétique, la gestion du réseau électrique et l’approvisionnement.

Elles justifient de recourir à des solutions technologiques adaptées et entraînent des coûts de production de l’électricité plus élevés qu’en métropole : ils atteignent 326 €/MWh en moyenne en 2022 d’après le graphique ci-dessous (et s’élevaient en moyenne à 271€/MWh en 2021).

Ces coûts varient fortement d’un territoire à l’autre selon les caractéristiques du parc de production et du réseau et d’une année sur l’autre en fonction notamment des prix du fioul, ces territoires étant encore fortement carbonés. Cette corrélation tend toutefois à diminuer avec la décarbonation de leurs mix électriques.

Des coûts très élevés de production électrique

La péréquation tarifaire au service de la solidarité nationale

En vertu du principe de péréquation à l’échelle nationale, les consommateurs situés en ZNI paient un niveau de facture d'électricité, hors taxes, identique à celui de la France continentale : les surcoûts structurels entre coûts de production et recettes tarifaires des fournisseurs historiques sont compensés au titre des charges de service public de l’énergie (SPE).

Jusqu’en 2015, celles-ci étaient financées par une contribution spécifique payée par tous les consommateurs d’électricité nationaux (ancienne CSPE sur les factures d’électricité). Depuis, le financement est issu du budget de l’Etat et repose sur tous les contribuables, pour un montant annuel de 2,5 milliards d’euros en 2022 pour les ZNI.

Un cadre réglementaire particulier

Les dispositions européennes du Troisième paquet énergie de 2009 ont établi un cadre dérogatoire pour les « petits réseaux isolés ». La directive 2019/944 du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, a étendu ce cadre dérogatoire pour les « petits réseaux connectés ».

Les États membres de l’Union européenne peuvent décider de ne pas appliquer la règle de dissociation des gestionnaires de réseaux aux entreprises intégrées d’électricité qui approvisionnent de tels réseaux. La loi française a progressivement décliné la notion de « petit réseau isolé » et de « petit réseau connecté » et les dérogations afférentes, à travers notamment la notion de zones non interconnectées au réseau métropolitain continental.

Ainsi, les opérateurs historiques : Électricité de Mayotte (EDM), Eau et Électricité de Wallis et Futuna (EEWF) et EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI) dans les autres ZNI sont à la fois producteurs, gestionnaires de réseau et fournisseurs au tarif réglementé de vente.

D’autres producteurs opèrent sur ces territoires et vendent leur électricité aux opérateurs historiques dans le cadre de contrats d’achat conclus en application d’arrêtés tarifaires, d’appels d’offres ou de contrats de gré à gré. En 2022, ces producteurs assuraient 71 % de la production en ZNI.

Une politique énergétique guidée par les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE)

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a mis en place des PPE propres à chaque ZNI. Co-élaborées par le gouvernement et les autorités locales pour une période de cinq ans, avec une vision sur 10 ans, elles constituent l’outil de pilotage de la politique énergétique.

Les PPE portant sur la période 2018-2023 ont été adoptées sur l’ensemble des ZNI. En revanche, seules les îles du Ponant (annexe à la PPE métropolitaine), la Réunion (décret du 20 avril 2022) et Saint-Pierre et Miquelon (décret du 3 octobre 2023) disposent aujourd’hui d’une PPE portant sur la période 2023-2028.

A ce stade, aucune PPE fixant de nouveaux objectifs sur la période 2028-2033 n’a encore été publiée.

Décret de publication et de révision des PPE des différents territoires

TerritoirePPE 2018 – 2023PPE 2023 - 2028
 Décret initialRévision simplifiée 
Corse18 décembre 201530 juin 2023 
Guadeloupe19 avril 20177 septembre 2023 
Guyane30 mars 2017

27 août 2021
26 décembre 2023

 
La Réunion 12 avril 2017 20 avril 2022 
Martinique4 octobre 201830 juin 2021 
Mayotte19 avril 201711 septembre 2023 
Wallis et Futuna  24 septembre 201824 mai 2023 
Saint-Pierre-et-Miquelon  3 octobre 2023

 

Les collectivités territoriales concernées peuvent demander au ministre chargé de l’Énergie de lancer un appel d’offres ou à la CRE d'analyser une disposition tarifaire si le rythme de développement de la filière concernée n’est pas en adéquation avec les objectifs de la PPE. En outre, l’expertise énergétique de la CRE est mise au service des collectivités afin de les aider dans la rédaction de leurs PPE.

Les grands enjeux de la transition énergétique dans les ZNI

Territoires isolés du réseau électrique de la France continentale, les ZNI assurent encore l'essentiel de leur fourniture électrique avec des énergies fossiles importées (fioul, charbon), complétées par des énergies renouvelables locales ou importées.

Elles ont structuré leurs objectifs pour la transition énergétique dans leur PPE autour de deux objectifs ambitieux fixés dans le code de l’énergie :

  • couvrir avec des énergies renouvelables 100 % de leur mix électrique en 2030 ;
  • et parvenir à l’autonomie énergétique en 2030 (en 2050 pour la Corse et Wallis et Futuna)

Un mix électrique majoritairement basé sur les énergies fossiles (2022)

Pour l’électricité, passer d’un système carboné à un système reposant sur des énergies renouvelables soulève toutefois d’importantes questions techniques et économiques.

  • Intégrer des énergies renouvelables intermittentes aux systèmes électriques de petites tailles des ZNI nécessite des solutions adaptées pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande d'électricité. Une des solutions est de déployer des installations centralisées de stockage, pilotées par le gestionnaire de réseau.
  • Les projets d’énergies renouvelables doivent aussi faire appel, en priorité, à des technologies matures et maîtrisées, pour contenir la dépense publique et assurer la sécurité du système électrique.
  • Les mix électriques doivent faire appel en priorité à des sources d’énergies locales, afin d’atteindre les objectifs d’autonomie énergétique. Toutefois, afin de valoriser les importants investissements récemment consentis sur les centrales thermiques tout en accompagnant la transition énergétique et en assurant la sécurisation du système électrique, la conversion des centrales thermiques au bioliquide et à la biomasse solide, principalement importés, et telle que prévue dans les PPE en vigueur ou en cours de rédaction, apparait comme une solution transitoire intéressante.

Dans ce cadre, la Réunion deviendra, au cours de l’année 2024, le premier territoire à s’affranchir en quasi-totalité des imports d’énergie fossile pour la production d’électricité, grâce à la conversion de ses centrales charbon à la biomasse solide et de ses centrales diesel aux bioliquides.

La priorité est aussi donnée à la maîtrise de la consommation d’électricité. L'importance des coûts de production justifie :

  • des actions volontaristes de maîtrise de la demande d’électricité ;
  • une sensibilisation des consommateurs aux économies d’énergies et aux enjeux de la transition énergétique de leurs territoires ;
  • l’envoi de signaux tarifaires pertinents pour inciter à limiter les consommations en périodes de pointe ;
  • le développement de bornes de recharge de véhicules électriques pilotables.

Les missions et les principales recommandations de la CRE

Dans le contexte particulier des ZNI, la CRE exerce plusieurs missions.

Calculer les charges de service public de l’énergie 

La CRE évalue chaque année le montant des charges de service public prévisionnelles à financer pour l’année suivante. Celles-ci comprennent les surcoûts de production et les surcoûts d’achat d’électricité au titre de la péréquation tarifaire, les coûts des actions de maîtrise de la demande en énergie (MDE), les coûts d’unités de stockage d’énergie - tous supportés par EDF SEI, EDM et EEWF - ainsi que les éventuels coûts des études nécessaires à la réalisation de projets d’approvisionnement ou de production d’envergure.

Analyser la pertinence des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables 

Pour soutenir le développement de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, trois dispositifs ont été mis en place dans les ZNI :  les arrêtés tarifaires, les appels d’offres et les contrats de gré à gré.

La CRE recommande dans ces territoires le recours à des appels d’offres (grande puissance) et des arrêtés tarifaires (petite puissance) pour les filières matures, comme le photovoltaïque, l’éolien, le biogaz ou l’hydroélectricité et le recours aux contrats de gré à gré, autant que possible consécutifs à des appels à projets, pour les autres filières ou lorsque la concurrence n’est pas suffisante.

Évaluer le niveau de compensation des unités de production d’électricité

La CRE évalue le coût normal et complet (CNC) des nouvelles installations de production afin de définir le niveau de compensation dont le fournisseur bénéficiera pour l’achat de l’électricité dans le cadre des contrats de gré à gré.

Le CNC correspond au coût de production et d’exploitation d’une installation de production performante et adaptée aux spécificités du système électrique permettant de répondre à un objectif de politique énergétique prévu par la PPE.

La CRE applique pour ce faire une méthodologie publiée le 25 janvier 2021, après une consultation publique.

Évaluer le niveau de compensation des actions de MDE

Dans les ZNI, le soutien de l’Etat intègre les coûts supportés en raison de la mise en œuvre d’actions visant à maîtriser les consommations d’électricité (MDE) par les fournisseurs d’électricité ou le cas échéant les collectivités et opérateurs publics. Ces actions de MDE peuvent être compensées par les charges de service public, dans la limite des surcoûts de production qu’elles évitent.

Par une délibération du 17 janvier 2019, la CRE a également publié les cadres de compensation des actions de petite MDE pour la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et la Réunion. Ces plans d’aides à l’investissement portent sur une durée de 5 ans, 2019-2023, et précisent pour chaque territoire, la nature et les caractéristiques des actions de MDE retenues ainsi que le montant maximal des aides financées par l’Etat au travers des charges de service public de l’énergie. La délibération du 21 avril 2022 fixe par ailleurs le cadre de compensation pour les petites actions de MDE à Saint-Barthélemy.

Dans sa délibération du 30 novembre 2023, la CRE a dressé le bilan des quatre premières années du dispositif (de 2019 à 2022).
Sur cette période, les habitants, professionnels et collectivités de Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et de La Réunion ont bénéficié de 421 M€ de primes versées pour la mise en œuvre de plusieurs dispositifs d’efficacité énergétique (travaux d’isolation des bâtiments, d’installation de chauffe-eaux solaires, de mise en place de brasseurs d’air ou encore d’éclairage performants).

Ce soutien a entrainé une dépense de 286 M€ pour les charges de SPE entre 2019 et 2023, tandis que les économies de charge de SPE à réaliser sur les 30 prochaines années s’élèvent à environ 2 Md €.

Au regard du bilan positif de ces quatre premières années, et en accord avec les territoires, la CRE souhaite reconduire le dispositif pour la période 2024-2028. Afin de préparer ce renouvellement des cadres, la CRE a prolongé de manière transitoire les cadres actuels 2019-2023 sur l’année 2024, ce qui laissera aux comités MDE de chaque territoire le temps de formuler des propositions cohérentes avec leurs PPE pour la période 2024-2028.

Par ailleurs, la collectivité territoriale de Saint-Martin rejoint pour la première fois le dispositif avec la création d’un cadre de compensation des actions de MDE transitoire pour 2024.

Évaluer le niveau de compensation pour les installations de stockage

Le soutien de l’Etat en ZNI porte également sur les coûts des ouvrages de stockage d’électricité pilotés par le gestionnaire du système électrique. La détermination du niveau de la compensation de ces coûts est décrite dans la méthodologie de la CRE publiée en janvier 2023 après consultation des acteurs.

La CRE a dans un premier temps ouvert deux guichets de stockage en 2017 et 2018 qui ont permis de retenir 13 projets pour une capacité cumulée utile de 64,7 MWh répartis sur les six territoires les plus importants en termes de consommation électrique.

Après avoir révisé sa méthodologie d’examen, la CRE a annoncé la tenue de nouveaux guichets sur les différents territoires. Les informations sont disponibles sur la page dédiée aux guichets.

Définir les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRV)

Au-delà du soutien à la production et à la maitrise de la consommation, la CRE élabore les TRV qui s'appliquent à toutes les catégories de consommateurs dans les ZNI.

Ces tarifs sont construits pour respecter le principe de péréquation tarifaire. Cependant, la structure des grilles tarifaires est adaptée aux spécificités de chaque territoire, en cohérence avec le fonctionnement des systèmes électriques et pour envoyer des signaux de prix appropriés aux clients finals.

Dans le but d’accompagner la transition énergétique des territoires et les modifications du parc de production associées, la CRE a défini en 2017 de nouveaux tarifs dits de transition énergétique pour les clients souscrivant une puissance au-dessus de 36 kVA.

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