Dernière mise à jour le 06.09.2021
gaz & électricité

Transition énergétique dans les ZNI

Certains territoires ne sont pas connectés au réseau d’électricité continental (ou de façon limitée dans le cas de la Corse) et voient leur approvisionnement en électricité spécifiquement contraint : on les regroupe sous le nom de zones non interconnectées (ZNI).

Ces zones regroupent notamment :

  • la Corse ; 
  • les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, La Réunion, Mayotte) ;
  • les collectivités territoriales (Martinique, Guyane, Saint-Martin, Saint-Barthélemy) ;
  • certaines collectivités d’outre-mer (Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna notamment) ;
  • les îles du Ponant (les îles de Sein, Molène, Ouessant et Chausey).

La Nouvelle Calédonie et la Polynésie française ont des statuts particuliers et ne sont pas considérées comme des ZNI.

 

Des spécificités énergétiques, un traitement particulier

Des coûts de production élevés

Les caractéristiques climatiques et géographiques des ZNI ainsi que la petite taille de leurs systèmes électriques créent de fortes contraintes pour le mix énergétique, la gestion du réseau électrique et l’approvisionnement.

Elles justifient de recourir à des solutions technologiques adaptées et entraînent des coûts de production plus élevés qu’en métropole : ils atteignent 271 €/MWh en moyenne en 2021 d’après le graphique ci-dessous.

Ces coûts varient fortement d’un territoire à l’autre selon les caractéristiques du parc de production et du réseau.

Des coûts très élevés de production électrique

La péréquation tarifaire au service de la solidarité nationale

En vertu du principe de péréquation à l’échelle nationale, les consommateurs paient un niveau de facture d'électricité identique à celui de la France continentale : les surcoûts structurels entre coûts de production et recettes tarifaires des fournisseurs historiques sont compensés au titre des charges de service public de l’énergie (SPE).

Jusqu’en 2015, celles-ci étaient financées par une contribution spécifique payée par tous les consommateurs d’électricité nationaux. Depuis, le financement est budgétisé et repose sur tous les contribuables, pour un montant annuel de 2,2 Mds€ au titre de 2021 pour les ZNI.

Un cadre réglementaire particulier

Les dispositions du Troisième paquet énergie de 2009 ont établi un cadre dérogatoire pour les « petits réseaux isolés ». En particulier, les États membres de l’Union européenne peuvent décider de ne pas appliquer la règle de dissociation des gestionnaires de réseaux aux entreprises intégrées d’électricité qui approvisionnent de tels réseaux. La loi française a progressivement décliné la notion de « petit réseau isolé » et les dérogations afférentes, à travers notamment la notion de zones non interconnectées au réseau métropolitain continental.

Ainsi, les opérateurs historiques : Électricité de Mayotte (EDM), Eau et Électricité de Wallis et Futuna (EEWF) et EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI) dans les autres ZNI sont à la fois producteurs, gestionnaires de réseau et fournisseurs.

D’autres producteurs opèrent sur ces territoires et vendent leur électricité aux opérateurs historiques dans le cadre de contrats d’achat conclus en application d’arrêtés tarifaires, d’appels d’offres ou de contrats de gré à gré. En 2021, ces producteurs assuraient 72 % de la production des ZNI.

Une politique énergétique guidée par les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE)

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a mis en place des PPE propres à chaque ZNI. Co-élaborées par le gouvernement et les autorités locales pour une période de cinq ans, avec une vision sur 10 ans, elles constituent l’outil de pilotage de la politique énergétique et associent les collectivités locales à la politique énergétique de leurs territoires. La première génération de PPE porte sur les années 2018 à 2023 et la seconde sur les années 2018 à 2028.

Les PPE portant sur la période 2018-2023 ont été adoptées sur l’ensemble des ZNI à l’exception de Saint Pierre et Miquelon. En revanche, aucune PPE fixant de nouveaux objectifs sur la période 2023-2028 n'a encore été publiée, à l’exception de la PPE relative à La Réunion, publiée en avril 2022, et des îles du Ponant (dont les PPE font l’objet d’un volet annexé à la PPE métropolitaine).

Les collectivités peuvent demander au ministre chargé de l’Énergie de lancer un appel d’offres ou à la CRE d'analyser une disposition tarifaire si le rythme de développement de la filière concernée n’est pas en adéquation avec les objectifs de la PPE. En outre, l’expertise énergétique de la CRE est mise au service des collectivités afin de les aider dans la rédaction de leurs PPE.

Les grands enjeux de la transition énergétique dans les ZNI

Territoires isolés du réseau électrique de la France continentale, les ZNI assurent l'essentiel de leur fourniture électrique avec des énergies fossiles importées (fioul, charbon), complétées le cas échéant par des énergies renouvelables locales ou importées.

Elles ont structuré leurs objectifs pour la transition énergétique dans leur PPE autour de deux objectifs ambitieux fixés par la LTECV :

  • couvrir avec des énergies renouvelables 50 % de leur mix énergétique en 2020 ;
  • parvenir à l’autonomie énergétique en 2030.  (en 2050 pour la Corse et Wallis et Futuna)

Un mix électrique majoritairement basé sur les énergies fossiles (2021)

Pour l’électricité, passer d’un système carboné à un système reposant sur des énergies renouvelables soulève toutefois d’importantes questions techniques et économiques. 

  • Intégrer des énergies renouvelables intermittentes aux systèmes électriques de petites tailles des ZNI nécessite des solutions adaptées pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande d'électricité. Une des solutions est de déployer des installations centralisées de stockage, pilotées par le gestionnaire de réseau.
  • Les projets d’énergies renouvelables doivent aussi faire appel, en priorité, à des technologies matures et maîtrisées, pour contenir la dépense publique et assurer la sécurité du système électrique.
  • Ils doivent faire appel en priorité à des sources d’énergies locales, afin d’atteindre les objectifs d’autonomie énergétique. Toutefois, afin de valoriser les importants investissements récemment consentis sur les centrales thermiques tout en accompagnant la transition énergétique, la conversion des centrales thermiques au bioliquide et à la biomasse solide, en partie importés, et telle que prévue dans les PPE en vigueur ou en cours de rédaction, apparait comme une solution transitoire intéressante.

La priorité est aussi donnée à la maîtrise de la consommation d’électricité. L'importance des coûts de production justifie :

  • des actions volontaristes de maîtrise de la demande d’électricité ;
  • une sensibilisation des consommateurs aux économies d’énergies et aux enjeux de la transition énergétique de leurs territoires ;
  • l’envoi de signaux tarifaires pertinents pour inciter à limiter les consommations en périodes de pointe ;
  • le développement de bornes de recharge de véhicules électriques pilotables.

Les missions et les principales recommandations de la CRE

Dans le contexte particulier des ZNI, la CRE exerce plusieurs missions.

Calculer les charges de service public de l’énergie 

La CRE évalue chaque année le montant des charges de service public prévisionnelles à financer pour l’année suivante. Celles-ci comprennent les surcoûts de production et les surcoûts d’achat au titre de la péréquation tarifaire, les coûts des actions de maîtrise de la demande en énergie les coûts d’unités de stockage d’énergie - tous supportés par EDF SEI, EDM et EEWF - ainsi que les coûts des études en vue d’un projet d’approvisionnement énergétique.

Analyser la pertinence des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables 

Pour soutenir le développement de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, les pouvoirs publics français recourent principalement à trois instruments économiques dans les ZNI :  les arrêtés tarifaires, les appels d’offres et les contrats de gré à gré.
La CRE recommande dans ces territoires le recours à des appels d’offres (grande puissance) et des arrêtés tarifaires (petite puissance) pour les filières matures, comme le photovoltaïque, l’éolien, le biogaz ou l’hydroélectricité et le recours aux contrats de gré à gré, autant que possible consécutifs à des appels à projets, pour les autres filières ou lorsque la concurrence n’est pas suffisante.

Évaluer le niveau de compensation des unités de production d’électricité

La CRE évalue le coût normal et complet (CNC) des nouvelles unités de production, tant pour les producteurs tiers que pour les fournisseurs historiques, afin de définir le niveau de compensation dont ils bénéficieront dans le cadre des contrats de gré à gré.

Le CNC correspond au coût de production et d’exploitation d’une unité de production performante et adaptée aux spécificités du système électrique permettant de répondre à un objectif de politique énergétique prévu par la PPE.

La CRE applique pour ce faire une méthodologie publiée le 25 janvier 2021, après une consultation publique menée entre le 7 mai 2020 et le 1er juillet 2020.

Consulter la délibération sur la méthodologie d’étude des moyens de production en ZNI et le modèle de plan d’affaires.

Évaluer le niveau de compensation des actions de MDE

Dans les ZNI, les charges de SPE donnant lieu à compensation intègrent les coûts supportés en raison de la mise en œuvre des actions visant à maîtriser les consommations d’électricité (MDE) par les fournisseurs d’électricité ou le cas échéant les collectivités et opérateurs publics. Ces actions de MDE peuvent être compensées, dans la limite des surcoûts de production qu’elles évitent.

La CRE a publié deux méthodologies qui fixent les modalités de compensation des actions de « petite » et de « grande » MDE.
Par une délibération du 17 janvier 2019, la CRE a également publié les cadres de compensation des actions de petite MDE pour la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et la Réunion. Ces plans d’aides à l’investissement portent sur une durée de 5 ans, 2019-2023, et précisent pour chaque territoire, la nature et les caractéristiques des actions de MDE retenues ainsi que le montant maximal des aides financées par les charges de service public de l’énergie.

Consulter la délibération. 

Évaluer le niveau de compensation pour les installations de stockage

L’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2012 a étendu le périmètre des coûts relevant des charges de SPE dans les ZNI aux coûts des ouvrages de stockage d’électricité pilotés par le gestionnaire du système électrique. Ces coûts sont pris en compte dans la limite des surcoûts de production qu’ils contribuent à éviter. La détermination du niveau de la compensation de ces coûts est décrite dans la méthodologie de la CRE publiée en mars 2017.

La CRE a depuis ouvert deux guichets de stockage qui ont permis de retenir 13 projets pour une capacité cumulée utile de 64,7 MWh répartis sur les six plus importants territoires.

Consulter la délibération.

Évaluer le niveau de compensation pour les études

L’article R.121-29 du code de l’énergie précise les modalités d’application de l’article L.121-7 du même code qui autorise les porteurs de projets d’approvisionnement électrique à percevoir une compensation de leurs coûts d’études nécessaires à l’estimation des coûts et du potentiel du projet. Cet article ouvre également droit à la compensation à tout acteur qui réalise une étude à l’initiative du représentant de l’Etat dans le département ou du gestionnaire de réseau. La compensation ne dépend pas de la concrétisation du projet.

En collaboration avec la DGEC, la CRE analyse ces coûts d’études pour en estimer la proportion éligible à la compensation.

Définir les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRV)

La CRE élabore les TRV qui s'appliquent à toutes les catégories de consommateurs dans les ZNI. Elle transmet aux ministres chargés de l’Économie et de l’Énergie ses propositions motivées de TRV. 

Ces tarifs sont construits de sorte à respecter le principe de péréquation tarifaire. Cependant, la structure des grilles tarifaires est adaptée aux spécificités de chaque territoire, en cohérence avec le fonctionnement des systèmes électriques et pour envoyer des signaux de prix appropriés aux clients finals. 

Eu égard, d’une part des évolutions récentes des parcs de production et d’autre part des changements d’habitude de consommation des clients finals, la CRE, en 2017, a défini de nouveaux tarifs dits de transition énergétique pour les clients souscrivant une puissance au-dessus de 36 kVA, dont elle contribue, par ailleurs, à piloter l’adoption.

Consulter la délibération

La CRE a synthétisé ses différentes recommandations relatives aux ZNI dans une note commune, qui reprend notamment les analyses effectuées lors de ses missions dans les territoires.

Consulter :