L'énergie du droit - numero 70

Actualité Électricité Gaz

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EN BREF

LES TEXTES 

Evolution de l’accise sur l’électricité, des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) et des tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution

Délibération de la CRE relative à la méthode de fixation des TRVE

Délibération de la CRE portant avis sur le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique

LE JUGE

Conseil d’Etat : illégalité d’une partie du dispositif des certificats d’économies d’énergie tel que modifié par un arrêté du 22 octobre 2022 en l’absence d’une consultation publique préalable

Conseil d’Etat : compétence du tribunal administratif pour connaître de l’arrêté délivrant une autorisation environnementale au projet d’interconnexion électrique France-Espagne par le Golfe de Gascogne

L’EUROPEAvancée des travaux européens : règlement visant à réformer l’organisation du marché de l’électricité, révision du règlement REMIT et nouveau « Paquet gaz »
LA REGULATIONCoRDiS : règlement d’un différend relatif à l’implantation du coupe-circuit principal individuel (CCPI) sur le domaine public
ET AUSSI…Courrier de la CRE et de l’ADLC au Gouvernement contenant des propositions pour garantir une concurrence équitable dans la mise en œuvre de la réforme du marché de l’électricité

[Actualités de janvier 2024]

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LES TEXTES

Arrêtés

Arrêtés et décisions relatifs à l’accise sur l’électricité, aux tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) et aux tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution (ELD)

Par une délibération du 18 janvier 2024, la CRE a proposé aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie les évolutions des TRVE au 1er février 2024.

Par un arrêté du 25 janvier 2024, le ministre chargé de l’économie majore le tarif de l’accise sur l’électricité s’appliquant notamment aux TRVE.

Par trois décisions du ministre chargé de l’économie du 29 janvier 2024, les tarifs applicables aux consommateurs résidentiels, non résidentiels, ainsi que les tarifs « jaunes » et « verts » applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale, sont fixés conformément aux propositions de la CRE.

En revanche, par arrêté du 29 janvier 2024 relatif aux tarifs applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI), le ministre chargé de l’économie s’est opposé aux propositions de la CRE, en application des dispositions du bouclier tarifaire issues de la loi de finances pour 2024 (cf. L’Energie du droit, n°69, décembre 2023). Les tarifs applicables dans les ZNI sont fixés conformément aux barèmes annexés à cet arrêté.

La hausse des tarifs s’appliquant aux TRVE est limitée, en moyenne, à 10 % TTC par rapport aux tarifs précédemment en vigueur.

Enfin, par une délibération du 18 janvier 2024, la CRE a proposé une évolution des tarifs de cession de l’électricité aux ELD, qui entraîne une baisse moyenne de – 1,33 €/MWh HT. Par une décision du 29 janvier 2024, le Gouvernement fixe le tarif conformément à cette proposition.

Principales délibérations de la CRE

Délibération portant décision relative à la proposition de nomination de la Directrice Générale de GRTgaz

Par une délibération du 3 janvier 2024, la CRE considère que la proposition de nomination de Mme Sandrine MEUNIER dans les fonctions de directrice générale de GRTgaz satisfait aux obligations d’indépendance du gestionnaire de réseaux publics de transport de gaz naturel.

Son mandat est prévu pour une durée de quatre ans.

Délibération portant communication sur l’organisation des guichets de déclaration de charges de service public (CSPE) de février 2024 au titre du dispositif d’amortisseur prévu par la loi de finances pour 2024

Par une délibération du 18 janvier 2024, la CRE précise le fonctionnement opérationnel du guichet d’acompte prévu par la loi de finances pour 2024.

La CRE indique que :

  • elle définit des seuils d’alerte pour évaluer la cohérence des déclarations avec les données dont elle dispose, en particulier les demandes de droit à l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH) au guichet de novembre 2023 ;
  • les pertes calculées dans le cadre du guichet simplifié d’acompte ne tiendront pas compte de la contrainte de couverture des coûts d’approvisionnement. Ces éléments seront contrôlés par la CRE à compter de la délibération portant sur l’évaluation des charges de CSPE avant le 15 juillet 2024 ;
  • elle n’acceptera aucun dossier déposé après la date limite du 28 février 2024 prévue par la loi de finances pour 2024. Les pertes non évaluées dans le cadre des guichets d’acompte pourront néanmoins intégrer l’exercice annuel d’évaluation des charges de service public de l’énergie.

Délibération portant avis sur le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique

Par une délibération du 18 janvier 2024, la CRE analyse le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, sur saisine du Gouvernement. Elle se fonde sur les trois grands objectifs qu’elle a définis dans sa réponse à la consultation de la Commission européenne sur la réforme du fonctionnement du marché européen de l’électricité :

  • garantir la sécurité de l’approvisionnement à un niveau adéquat ;
  • protéger les consommateurs en cas de crise ;
  • accélérer la transition énergétique.

La CRE accueille favorablement le mécanisme de partage des revenus du parc nucléaire existant au profit des consommateurs en cas de prix de gros durablement élevés, ainsi que la perspective d’un rôle accru du marché de gros de l’électricité, cohérent avec un marché européen intégré.

La CRE accueille aussi favorablement la réforme du mécanisme de capacité et salue les mesures permettant de clarifier et renforcer les pouvoirs dont elle dispose pour assurer ses missions de surveillance, d’enquête et de sanction à l’égard des opérateurs actifs sur les marchés français de l’énergie.

Enfin, elle considère que les dispositions permettant la mise en place d’un cadre de régulation pour les infrastructures d’hydrogène et de CO2 devraient être ajoutées.

Délibération portant projet de décision sur le tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF

Par une délibération du 25 janvier 2024, la CRE fixe la méthodologie d’établissement des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel (ATRD).

La CRE considère que le cadre de la régulation a été efficace sur la période précédente. Les charges à couvrir pour la distribution augmentent de façon maitrisée à un niveau limité par la CRE par rapport à la demande de GRDF, tout en permettant à ce dernier de maintenir un haut niveau de sécurité de son réseau et de permettre l’intégration du biogaz dans les réseaux. Par ailleurs, la CRE fait évoluer la méthode de calcul du coût moyen pondéré du capital en prenant en compte la hausse récente des taux d’intérêt en plus de l’observation sur une longue période, et elle introduit une incitation pour GRDF à la maîtrise et à la priorisation de ses investissements, sous la forme d’une enveloppe d’investissements sur la période tarifaire au-delà de laquelle GRDF supporte un malus.

S’agissant de la structure du tarif, la CRE la fait évoluer pour mieux refléter les coûts générés par les utilisateurs, en introduisant un nouveau terme tarifaire en fonction du débit, qui concernera les plus gros compteurs, et qui entrera en vigueur au 1er juillet 2026. En outre, elle introduit un nouveau terme tarifaire de capacité applicable à l’ensemble des producteurs de gaz renouvelables et bas-carbone, venant s’ajouter au terme variable appliqué aux volumes injectés. Enfin, la CRE introduit, pour la période tarifaire ATRD7, une composante tarifaire spécifique au traitement de la relève résiduelle s’élevant à un montant de 43,80€ HT/an.

Enfin, la CRE définit les prestations dont le coût est couvert par le te tarif ATRD de GRDF, précise les quatre options comprises dans le tarif et reconduit l’indexation sur l’inflation effectivement constatée et cumulée entre 2018 et l’année précédant la mise à jour tarifaire des montants définis par la délibération du 26 octobre 2017.

Cette délibération a été soumise pour avis au Conseil supérieur de l’énergie.

Délibérations portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et Teréga et le tarif d’utilisation des infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel de Storengy, Teréga et Géométhane

Par deux délibérations du 30 janvier 2024, la CRE, après avis du Conseil supérieur de l’énergie du 25 janvier 2024, fixe le nouveau tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz (ATRT8) et le nouveau tarif d’utilisation des infrastructures de stockage souterrain de gaz (ATS3).

Le nouveau tarif ATRT8 s’applique aux réseaux de transport de gaz naturel de GRTgaz et Teréga et le nouveau tarif ATS3 aux stockages souterrains de gaz de Storengy, Teréga et Géomethane, pour une durée d’environ quatre ans.

Ayant constaté que le cadre de régulation incitative fonctionne bien et ne nécessite que des améliorations à la marge afin de prendre en compte les évolutions du système gazier, la CRE reconduit, pour l’ATRT8 et l’ATS3, les principaux mécanismes en vigueur dans l’ATRT7 et l’ATS2 en les ajustant quand nécessaire.

Les charges à couvrir pour l’ATRT8 et l’ATS3 augmentent, mais les niveaux atteints ont été limités par la CRE par rapport aux demandes initiales des opérateurs. Elles se décomposent ainsi :

  • pour le tarif ATRT8 : + 8 % par rapport au niveau réalisé en 2022 (soit 2 267 M€ par an en moyenne pour l’ensemble des opérateurs) ;
  • pour le tarif ATS3 : + 20 % par rapport au niveau réalisé en 2022 (soit 849 M€ par an en moyenne pour l’ensemble des opérateurs).

Le niveau moyen des charges nettes d’exploitation retenu s’élève à (i) pour l’ATRT8, 928 M€/an pour GRTgaz et 78 M€/an pour Teréga (respectivement 684 M€/an et 67 M€/an hors « achats système ») et (ii) pour l’ATS3, à 207 M€/an pour Storengy, 57 M€/an pour Teréga et 20 M€/an Géométhane (respectivement 164 M€/an, 43 M€/an et 18 M€/an hors « achats système »).

Le niveau moyen des charges de capital à couvrir s’élève en moyenne à (i) pour l’ATRT8, 1 072 M€ /an pour GRTgaz, 188 M€ /an pour Teréga et, (ii) pour la période ATS3, 409 M€ /an pour Storengy, 119 M€ /an pour Teréga et 36 M€ pour Géométhane.

La CRE fait évoluer la méthode de calcul du coût moyen pondéré du capital (CMPC) applicable pour prendre en compte la remontée des taux observée récemment. Le CMPC réel retenu s’élève à (i) pour l’ATRT8, 4,1% réel avant impôts, soit 5,4% en nominal avant impôt dont est retraitée l’inflation, et (ii) pour l’ATS3, 4,6 % réel avant impôts, soit 5,9 % en nominal avant impôts.

Enfin, la structure du tarif ATRT8, qui est fixée de manière à refléter les coûts engendrés par les utilisateurs afin notamment d’éviter les subventions croisées entre catégories d’utilisateurs, n’a pas été modifiée


LE JUGE

Cour de justice de l'Union européenne

Incompatibilité avec le droit européen d’une disposition de droit national limitant l’intérêt à agir des opérateurs du marché du gaz naturel affecté par une décision d’une autorité de régulation nationale

Par un arrêt du 25 janvier 2024, la Cour de justice se prononce sur l’interprétation, au regard de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui prévoit le droit à un recours effectif et d’accès à un tribunal impartial, de la notion de « partie lésée » par une décision de l’autorité de régulation nationale (ARN) prévue à l’article 41(17) de la directive 2009/73/CE du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.

Dans cette affaire, la requérante, une société de droit hongrois commercialisant du gaz naturel, contestait la légalité des décisions adoptées par l’ARN hongroise (MEKH), fixant les redevances d’utilisation et de raccordement au réseau de transport de gaz naturel ainsi que la rémunération des services fournis par le gestionnaire de ce réseau (FGSZ) devant la cour de Budapest. Cette dernière a toutefois considéré que l’article 129/B§ 1 de la loi hongroise relative à la fourniture de gaz naturel ne lui permettait pas d’examiner au fond un recours intenté par un opérateur du marché du gaz naturel affecté par une décision de l’ARN, cet opérateur n’étant pas un gestionnaire de réseau.

Avant tout examen au fond, la cour de Budapest a donc adressé à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant, en substance, sur la qualification de « partie lésée » de la requérante par une décision d’une ARN au sens de l’article 41(17), notion qui n’est pas définie par la directive.

En premier lieu, la Cour rappelle avoir déjà interprété « une disposition similaire », à savoir l’article 5bis(3) de la directive 90/387/CEE du 28 juin 1990, en considérant qu’un opérateur qui n’est pas destinataire d’une décision d’une ARN acquiert la qualité de partie lésée « lorsque ses droits sont potentiellement affectés par une telle décision en raison, d’une part, de son contenu et, d’autre part, de l’activité exercée ou envisagée par cette partie » (CJUE, 24 avril 2008, Arcor, aff. C‑55/06).

En second lieu, la Cour dit également avoir déjà jugé, s’agissant de la directive 2003/55/CE du 26 juin 2003, qui ne contenait pas de disposition explicite relative au droit de recours contre les décisions d’une ARN, que la qualité de partie lésée doit être reconnue à un opérateur qui pourrait, du fait de la méconnaissance du droit de se voir appliquer des redevances et des tarifs proportionnés, transparents et non discriminatoires, être affecté par la décision litigieuse (CJUE, 19 mars 2015, E.ON Földgáz Trade, aff. C‑510/13).

S’agissant du droit à un recours effectif, la Cour considère que la disposition de droit national ne serait pas susceptible d’être interprétée de manière conforme à l’article 41(17) puisque ne prévoyant pas les « mécanismes appropriés » qui y sont visés. Dès lors, la Cour rappelle que la juridiction de renvoi ne doit laisser inappliqué le droit national que si l’obligation prévue par le droit européen est d’effet direct, ce qui est le cas en l’espèce.

Elle conclut que l’article 41(17) de la directive, lu à la lumière de l’article 47 de la charte, doit être interprété en ce sens que : « il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle seul le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel est qualifié de ‘partie lésée’ par une décision de [l’ARN] fixant les redevances de raccordement à ce réseau et d’utilisation de celui-ci ainsi que la rémunération des services fournis par ce gestionnaire et, partant, seul ce dernier a qualité pour introduire un ‘recours effectif’ contre cette décision ».

Conseil d'Etat

Illégalité d’une partie du dispositif des certificats d’économies d’énergie tel que modifié par un arrêté du 22 octobre 2022 en l’absence d’une consultation publique préalable

Dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), les pouvoirs publics ont lancé l’opération « coup de pouce chauffage » en 2017, pour encourager les ménages, et particulièrement ceux en situation de précarité énergétique, à rénover les moyens de chauffage de leur logement.

Les dispositions des I et III à VII de l’article 1er de l’arrêté du 22 octobre 2022, modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des CEE, ont pour objet de prévoir des bonifications et des incitations financières renforcées pour le remplacement d'une chaudière au fioul par une pompe à chaleur, un système solaire combiné, une chaudière biomasse ou un raccordement à un réseau de chaleur alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou de récupération, ainsi que de supprimer, pour les bonifications existantes, la condition que l'équipement de chauffage remplacé ne soit pas à condensation.

La Fédération française des combustibles, carburants et chauffages a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation au motif que les dispositions précitées auraient dû être adoptées à l’issue de la consultation préalable du public prévue à l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.

Le Conseil d’Etat a considéré que ces dispositions, qui sont susceptibles de conduire au remplacement de 150 000 chaudières au fioul, soit 5 % du parc de chaudières existantes, « doivent être regardées comme ayant une incidence directe et significative sur l'environnement » au sens de l'article L. 123-19-1 précité. Il en découle que leur adoption aurait dû être précédée, à peine d'illégalité, d'une consultation du public en application de cet article.

Par suite, le juge a prononcé l’annulation des dispositions litigieuses en différant la date d’effet au 1er avril 2024, compte tenu des conséquences manifestement excessives d'une telle annulation.

Compétence du tribunal administratif pour connaître de l’arrêté délivrant une autorisation environnementale au projet d’interconnexion électrique France-Espagne par le Golfe de Gascogne

Par une ordonnance du 15 décembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application du 2° de l'article R. 351-2 du code de justice administrative (CJA), la requête de la commune de Capbreton contre l'arrêté inter-préfectoral du 20 septembre 2023 par lequel plusieurs préfets ont délivré à RTE une autorisation environnementale concernant l'interconnexion électrique France-Espagne par le Golfe de Gascogne.

En vertu des dispositions de l’article L. 311-13 du CJA, le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort, par dérogation aux règles régissant la compétence de premier ressort au sein de la juridiction administrative, pour connaître des recours dirigés contre des décisions qui concernent des ouvrages de production et de transport d'énergie renouvelable en mer, notamment celles, énumérées au 2° de l'article R. 311-1-1 du CJA, relatives aux « ouvrages des réseaux publics d'électricité dont au moins une partie est située en mer » qui sont destinés au transport de l'électricité produite par des installations de production d'énergie renouvelable en mer ou aux ouvrages de raccordement de ces dernières.

La Haute juridiction a considéré qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet d'interconnexion électrique serait au nombre de tels ouvrages et qu’ainsi le jugement de la demande du requérant relève du tribunal administratif de Bordeaux par application de l'article R. 312-1 du CJA.

Cours d'appel

Conditions de l’obligation de paiement de la quote-part au titre du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables

Aux termes de deux arrêts du 18 janvier 2024, la cour d’appel de Paris rappelle les conditions pour qu’une installation de production d’énergie renouvelable soit redevable de la quote-part des ouvrages mutualisés au titre du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR), en application des articles L. 342-1 al.2 et L. 342-12 du code de l’énergie.

En 2018, la société ENR-GRID avait conclu deux propositions techniques et financières avec la société Réseau de transport d'électricité (RTE) pour le raccordement de plusieurs parcs éoliens aux S3REnR de Picardie et Nord-Pas-de-Calais, depuis devenus le S3REnR Hauts-de-France, via des postes de transformation privés, qui ont été cédées, le 7 janvier 2019, aux sociétés requérantes.

Saisi par ces sociétés, le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) avait décidé, dans ces décisions du 17 février 2020 (cf. L’Energie du droit, n°26, février 2020) et du 22 juin 2020 (cf. L’Energie du droit, n°31, juillet 2020), que les postes de transformation privés dont les raccordements étaient demandés n’avaient pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation et que, par conséquent, ne s’inscrivant pas dans le S3REnR, les sociétés n’étaient ainsi pas redevables du paiement de la quote-part.

RTE a interjeté appel de ces décisions auprès de la cour d’appel de Paris, qui avait sursis à statuer le 18 mars 2021, dans l’attente de la décision de la Cour de cassation dans l’affaire « RTE c/ PMS7 ».

En l’espèce, la cour déduit des articles précités, dans leurs versions applicables aux litiges, que l’obligation au paiement de la quote-part est soumise à la double condition que le raccordement, d’une part, desserve une installation de production d’énergie renouvelable et, d’autre part, s’inscrive dans un S3REnR.

Sur la seconde condition, tirant les conséquences des décisions rendues par la Cour de cassation dans l’affaire susmentionnée (Com., 6 avril 2022, pourvois n°20-23-339 et 20-23-163), la cour relève qu’en l’espèce il existe un S3REnR dans la région concernée et que les installations à raccorder ne relèvent pas de l’exception prévue à l’article D. 321-10 du code de l’énergie (faisant l’objet d’une procédure d’appel d’offres).

Elle en déduit que le raccordement de ces installations s’inscrit dans le S3REnR et répond à la seconde condition requise pour le paiement de la quote-part et, partant, réforme les décisions du CoRDiS.


L'EUROPE

Parlement européen

Approbation du règlement visant à réformer l’organisation du marché de l’électricité, de la révision du règlement REMIT et du « Paquet gaz » en commission de l’Energie (ITRE) du Parlement européen

Le 15 janvier 2024, la Commission ITRE du Parlement européen a approuvé par une large majorité le projet de règlement visant à réformer l’organisation du marché de l’électricité ainsi que la révision du règlement REMIT, respectivement approuvés en trilogue en décembre 2023 (cf. L’Energie du droit, n°69, décembre 2023) et en novembre (cf. L’Energie du droit, n°68, novembre 2023). Ces textes doivent désormais être approuvés en séance plénière.

Par ailleurs, le 23 janvier 2024, la Commission ITRE du Parlement européen a également approuvé par une large majorité le projet de « Paquet gaz » encadrant les futurs marchés européens de l’hydrogène et de gaz, approuvé en trilogue en décembre 2023 (cf. L’Energie du droit, n°69, décembre 2023). Ce texte doit être approuvé en séance plénière les 10 et 11 avril 2024.

Commission européenne

Prolongation des aides françaises aux consommateurs d’énergie

La Commission européenne a approuvé par deux décisions la prolongation de dispositifs français d’aides d’Etat, sur le fondement de l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’Etat adopté par la Commission européenne le 9 mars 2023 (cf. L’Energie du droit, n°61, mars 2023) et modifié le 20 novembre 2023 (cf. L’Energie du droit, n°68, novembre 2023) :

  • une décision du 5 janvier 2024 autorise la prolongation des boucliers tarifaires et amortisseurs tels qu’inscrits dans la loi de finances pour 2024, jusqu’au 30 juin 2024. Le budget global de la mesure s’élève à 4,2 milliards d’euros ;
  • une décision du 10 janvier 2024 autorise le versement de 2,6 milliards d’euros d’aides supplémentaires aux grands consommateurs d’énergie français pour l’année 2024.

Autorisation d’un régime français d’aides d’Etat de 2,9 milliards d’euros visant à soutenir les investissements dans les industries vertes

Par une décision du 7 janvier 2024, la Commission européenne a approuvé un régime français d’aides d’Etat d’un montant de 2,9 milliards d’euros visant à soutenir les investissements dans les industries vertes pour favoriser la transition vers une économie neutre en carbone. Le régime est approuvé sur le fondement de l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’Etat adopté par la Commission européenne le 9 mars 2023 (cf. L’Energie du droit, n°61, mars 2023) et modifié le 20 novembre 2023 (cf. L’Energie du droit, n°68, novembre 2023).

La mesure prend la forme d’un crédit d’impôt (« crédit d’impôt investissements industries vertes ») et est ouverte aux entreprises portant des projets d’investissements dans la production de panneaux solaires, batteries, éoliennes et pompes à chaleur ainsi que des composants essentiels pour la production de ces équipements et des matériaux critiques nécessaires à leur production. Ce crédit d’impôt peut être accordé jusqu’au 31 décembre 2025 au plus tard.

Cette décision de la Commission européenne n’a pas encore été rendue publique et sera consultable ultérieurement dans le registre des aides d’Etat sous le numéro SA. 109334.

Prise de contrôle de Quadra Energy par TotalEnergies

Par une décision du 12 janvier 2024, la Commission européenne valide l’opération de concentration entre l’énergéticien allemand Quadra Energy, l’un des principaux agrégateurs de production d’électricité renouvelable en Allemagne, et TotalEnergies. Cette dernière acquiert par achat d’actions le contrôle exclusif de Quadra Energy.


LA REGULATION

Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS)

Règlement d’un différend relatif aux conditions de raccordement d’une installation de consommation d’électricité au réseau public de distribution d’électricité

Dans sa décision n°09-38-23 du 4 janvier 2024, le comité a prononcé le rejet des demandes de M. J. tendant notamment à ce qu’il soit enjoint à la société Strasbourg Electricité Réseaux (SER) que le coupe-circuit-principal-individuel (CCPI) soit implanté sur le domaine public.

Après avoir indiqué dans sa demande de raccordement l’emplacement souhaité du coffret de branchement contenant le CCPI sur sa parcelle, M. J. a par la suite demandé à la société SER que celui-ci soit implanté sur le domaine public. La société SER a alors refusé cette demande et mis fin au processus de raccordement, conformément à sa documentation technique de référence (DTR).

Le comité relève tout d’abord qu’il incombe au gestionnaire de réseau, lorsque le demandeur procède à la modification de sa demande initiale dans le respect des dispositions de la DTR, de réinscrire en file d’attente la demande telle que modifiée par le demandeur. Le comité enjoint donc à la société SER de reprendre l’instruction de la demande de raccordement.

Le CoRDiS estime ensuite que compte tenu des caractéristiques de la voie publique, sur laquelle n’existent ni surélévation ni délimitation physique de nature à distinguer sans équivoque la chaussée du trottoir, de son dimensionnement étroit et de sa déclivité, qui rendent difficile le croisement des véhicules circulant en sens inverse, l’implantation du CCPI sur le domaine public ne permettrait pas de garantir une exploitation du réseau dans des conditions garantissant sa sécurité. Le comité juge donc bien fondées les solutions techniques retenues par la société SER au titre de l’opération de raccordement de référence et rejette ainsi les demandes de M. J.

Enfin, le CoRDiS décide que, sous réserve notamment des dispositions légales et des droits des tiers, la demande de raccordement, dès lors qu’elle est adressée par le propriétaire de la parcelle à raccorder, vaut autorisation pour le gestionnaire de réseau de placer les ouvrages de branchement tels que le CCPI sur le domaine privé sans que l’établissement d’une servitude conventionnelle ne soit requis.

Autorité des marchés financiers (AMF)

Sanction de Grantchester Equity à hauteur de 4,62 millions d’euros pour manipulation de cours

Par une décision du 24 janvier 2024, la commission des sanctions de l’AMF a sanctionné la société Grantchester Equity, son président ainsi que les dirigeant d’autres sociétés impliquées dans le schéma manipulatoire pour manipulation des cours.

La commission a mis en évidence des actions coordonnées caractérisées « par la conception et la mise en œuvre d’un schéma manipulatoire appliqué de la même manière aux titres [des sociétés Gour Medical, Umalis et CIOA] ». Les dirigeants de ces trois sociétés sont également sanctionnés pour manquement à leur obligation de déclaration des transactions.

Grantchester Equity Ltd a ainsi été sanctionnée à hauteur de 1 million d’euros, son président pour 2 millions d’euros et le dirigeant d’une autre société mise en cause pour 1 million d’euros. D’autres mis en cause ont également été sanctionnés pour un montant total de 625 000 euros.

Défaut de caractérisation du manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’information privilégiée dans l’affaire de l’achat des titres Direct Energie

Entre 2017 et 2019, l'AMF a ouvert plusieurs enquêtes sur le marché du titre Direct Energie, dont l'une portait sur le marché en lien avec l'annonce de l'offre publique d'achat (OPA) de Total SA sur Direct Energie du 18 avril 2018. Dans ce cadre, douze personnes physiques se sont vu reprocher d'avoir manqué à leur obligation de s'abstenir d'utiliser une information privilégiée, ici relative au rachat de Direct Energie par Total à un prix intégrant une prime significative par rapport au cours du titre Direct Energie.

Dans sa décision du 31 janvier 2024, la commission des sanctions conclut que l'information était bien privilégiée entre le 6 avril et le 18 avril 2018, dates correspondant à l'accord de principe sur l'achat de titres et à la publication du communiqué de presse de Total annonçant cet accord. La commission estime également que certaines des opérations boursières relevées étaient « atypiques », que la « simultanéité des interventions de plusieurs personnes proches [présentait] un caractère suspect ».

Par manque de preuves suffisantes, et jugeant les justifications avancées convaincantes – notamment l'analyse financière menée par certains des mis en cause, la commission des sanctions de l'AMF estime que ces personnes ne détenaient pas d’information privilégiée et les déclare donc hors de cause.


 

ET AUSSI

Courrier de la CRE et de l’ADLC au Gouvernement contenant des propositions pour garantir une concurrence équitable dans la mise en œuvre de la réforme du marché de l’électricité

Dans le prolongement de la consultation publique de novembre 2023 portant sur les modalités envisagées pour garantir la protection, la stabilité et la prévisibilité des factures des consommateurs après la fin du dispositif de l’ARENH au 31 décembre 2023 (cf. L’énergie du droit, n°68, novembre 2023), la CRE et l’ADLC publient leur courrier au Gouvernement.

Les deux autorités indépendantes, qui saluent l’objectif du Gouvernement, considèrent qu’il est nécessaire de mettre en place des mesures permettant de garantir ex ante un marché de l’électricité équitable, efficace et dynamique, et formulent les recommandations suivantes :

  • la CRE doit être en mesure (i) d’approuver les règles d’identification, au sein des revenus d’EDF, des flux financiers qui sont affectés en particulier à la production nucléaire, (ii) de définir la temporalité de la publication par EDF de ses estimations de production du parc nucléaire et (iii) de mettre en place des mesures ex ante favorisant la liquidité du marché de gros de l’électricité ;
  • l’ADLC et la CRE doivent avoir les moyens d’analyser l’équilibre économique et le caractère non discriminatoire des contrats d’allocation de long terme adossés à la production nucléaire (CAPN) conclus par EDF.

La plupart de ces mesures sont reprises dans le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique susmentionné.

Le Comité de rédaction

Alexandra BONHOMME 

Emmanuel RODRIGUEZ 

David MASLARSKI

Pauline KAHN DESCLAUX

Julie MICHEL

Claire PARGUEY

Léa ZIDOUR

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