La CRE tire les enseignements de la sortie de crise dans son rapport 2023-2024 sur le fonctionnement des marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel
Actualité Électricité Gaz
Publié le
Offrir une liberté de choix aux consommateurs, ainsi que des offres compétitives et adaptées à leurs besoins, est la principale finalité du développement des marchés de détail de l’énergie. La Commission de régulation de l’énergie, dont l’une des missions est de concourir au bon fonctionnement de ces marchés, publie ce jour son rapport sur leur fonctionnement pour les années 2023 et 2024.
Elle y analyse les évolutions significatives des années 2023 et 2024, marquées par la sortie de crise, et présente un état des lieux détaillé du développement de la concurrence sur les segments résidentiels et non résidentiels.
Une crise majeure dont les impacts ont été atténués par les dispositifs de protection
Si la crise de 2022-2023 s’est traduite par une hausse très significative de la part énergie des factures d’électricité et de gaz, celle-ci a été efficacement atténuée par les dispositifs de protection mis en place par les pouvoirs publics. Les dispositifs gérés par la CRE (boucliers tarifaires électrique et gaz, amortisseurs électricité), dont le coût total a été de 26,1 milliards d’euros, ont bénéficié à 30,4 millions de ménages pour l’électricité, 6,1 millions de ménages pour le gaz, et 2 millions de consommateurs non résidentiels d’électricité.
Ils leur ont permis de bénéficier de 40 % de réduction en moyenne du prix facturé de leur électricité, soit jusqu’à 161,8 € TTC/MWh pour les offres aux tarifs réglementés de vente, associée à la baisse de l’accise sur l’électricité de 29,6 € TTC/MWh. S’agissant du gaz naturel, le bouclier tarifaire a engendré au premier semestre 2023 une réduction moyenne de 28%, allant jusqu’à 46,9 €TTC/MWh pour les offres TRVG, qui ont pris fin en juin 2023.
Au global, les factures d’énergie des Français ont bien moins augmenté que celles de leurs voisins européens.
La détente des prix de gros s’est ensuite rapidement manifestée sur les marchés du gaz, permettant la levée du bouclier tarifaire gaz dès le deuxième semestre 2023. En électricité, la baisse des prix de gros a bénéficié d’abord aux offres de marché courant 2024 puis début 2025 aux TRVE, moins réactifs du fait du lissage sur deux ans de la part approvisionnement.
En dépit de la baisse de la part énergie des factures en 2024, la hausse d’autres composantes des factures (retour de l’accise électricité à son niveau d’avant crise, augmentation des tarifs de réseaux) a atténué la réduction de la facture énergétique des consommateurs à l’issue de la crise.
Une concurrence mise à mal pendant la crise mais dont la dynamique reprend progressivement
La crise a été marquée par un ralentissement très fort du nombre d’offres proposées, en électricité comme en gaz, déclinant jusqu’à seulement 30 offres en électricité et 15 offres en gaz à destination des clients résidentiels en 2022. La dynamique a repris progressivement et l’on dénombrait 70 offres électricité et 40 offres gaz sur le même segment à fin 2024. Ces offres se diversifient et deviennent plus innovantes notamment pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs (flexibilité, autoconsommation, offres vertes, offres avec tarifs adaptés à la recharge électrique ou encore accompagnées de la fourniture de services annexes).
Pendant la crise et à son issue, les consommateurs ont eu tendance à privilégier les offres de référence, perçues comme protectrices, même si leur prix n’était pas forcément le plus bas. Cela s’est traduit par un ralentissement de la baisse de la part des marchés des tarifs réglementés de vente de l’électricité alors que des offres de marché entre 17 % et 23 % moins chères étaient disponibles pendant l’année 2024.
En sortie de crise, les consommateurs recommencent à souscrire des offres de marché mais se tournent significativement vers celles proposées par les fournisseurs historiques. La part de marché des fournisseurs alternatifs fin 2024 se situe ainsi autour de 30 %, soit légèrement en dessous du niveau de la fin 2021.
En gaz, le prix repère continue à jouer un rôle important avec 40 % des consommateurs résidentiels choisissant des offres indexées sur cette référence fin 2024, en plus des deux millions de consommateurs restés dans les offres de bascule. La part de marché des fournisseurs alternatifs continue par ailleurs de progresser (46 % à fin 2024 vs. 40 % à fin 2021).
Les consommateurs, particulièrement vigilants vis-à-vis de leur consommation d’énergie pendant la crise, ont conservé leurs habitudes de sobriété et se sont intéressés aux offres flexibles (permettant de réduire leur facture en fonction des créneaux de consommation), tandis que l’autoconsommation prenait son essor. En effet, au-delà des offres classiques « heures pleines / heures creuses », fin 2024 2,2 millions de consommateurs résidentiels avaient choisi des offres renvoyant à des signaux tarifaires plus élaborés, soit 1,3 million de plus que fin 2020. S’agissant de l’autoconsommation, Enedis relevait 650 000 ménages produisant leur propre électricité à fin 2024, soit un quasi-triplement en deux ans.
Evolutions du cadre régulatoire pour améliorer les marchés de détail et rétablir la confiance
Les pratiques de certains fournisseurs d’énergie pendant la crise, même en nombre très limité, ont entaché la confiance des consommateurs dans le fonctionnement du marché. La CRE a agi pour restaurer les conditions de cette confiance, afin que le dynamisme observé en sortie de crise bénéficie au plus grand nombre.
Elle a ainsi diligenté des enquêtes sur les comportements de certains fournisseurs, qui ont mené à des sanctions du Comité de règlement des différends et sanctions de la CRE (CoRDiS) en 2024 et 2025 (trois fournisseurs sanctionnés à hauteur de 6 millions d’euros, 3,5 millions d’euros et 3 millions d’euros). Ces sanctions participent à rétablir la confiance du fait de leur effet dissuasif.
Au-delà des sanctions des comportements repréhensibles, la CRE s’est engagée dans une démarche d’amélioration structurelle du fonctionnement des marchés de détail, qui repose sur trois volets :
- La mise en place de lignes directrices, ensemble de 13 bonnes pratiques visant à améliorer la transparence et la lisibilité des offres de fourniture auprès des consommateurs. Entrées en vigueur en octobre 2024, elles s’appliquent à tous les fournisseurs qui en ont fait le choix (ils couvrent 99 % des ménages en France). La CRE présente ce jour un premier bilan de mise en œuvre des mesures relatives à la souscription.
Pour en savoir plus sur les lignes directrices. - L’instauration d’une régulation prudentielle pour les fournisseurs. Dans le cadre de la directive européenne prévoyant l’introduction d’un mécanisme de régulation prudentielle, la CRE propose un cadre visant à ce que tous les fournisseurs mettent en œuvre des stratégies d’approvisionnement prudentes. Dans l’attente de la transposition de la directive en droit français, la CRE lancera prochainement un « guichet à blanc ».
- L’introduction d’un contrôle de la cohérence des offres. La CRE souhaite s’assurer au travers de contrôles réguliers que les offres proposées par les fournisseurs reflètent bien les conditions économiques dans lesquelles ils s’approvisionnent. La CRE a démarré ses contrôles depuis le début de l’année 2025 et publiera au premier semestre 2026 une première analyse.
La CRE rappelle que l’inscription de ces mesures dans la loi est indispensable pour pérenniser leur bonne exécution à long terme.
Emmanuelle Wargon, Présidente de la Commission de régulation de l’énergie indique :
« Après une année 2023 marquée par le déploiement des dispositifs de protection des consommateurs, 2024 signe le retour progressif à une situation plus classique. Le marché élargit la palette de son offre, intégrant davantage de services et d’options pour renforcer la maîtrise de la consommation, encourager l’autoconsommation et soutenir la flexibilité. Et les consommateurs deviennent des acteurs plus avertis : ils sont de plus en plus nombreux à s’informer, à utiliser les nouveaux outils offerts par le marché et à prendre une part active à la transformation du système énergétique national ».