L'énergie du droit - numero 85
Actualité Électricité Gaz
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EN BREF
LES TEXTES | Décret portant nomination de Madame Paquita Morellet-Steiner comme Présidente du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie CRE : modification de la méthodologie d’évaluation des charges de service public de l’énergie (CSPE) en métropole continentale CRE : évolution de la grille tarifaire du tarif péréqué de GRDF au 1er juillet 2025 |
LE JUGE | CJUE : compatibilité d’une réglementation nationale appliquant une pénalité contractuelle en cas de résiliation anticipée d’un contrat de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe Conseil d’Etat : faculté de dispenser de toute sanction la personne mise en cause si les circonstances le justifient au regard du principe de proportionnalité |
L’EUROPE | Commission européenne : feuille de route relative à la fin de la dépendance européenne à l’égard de l’énergie russe ACER : avis sur deux documents produits par l’ENTSO-E dont le projet de plan décennal de dévelop-pement du réseau électrique 2024 |
LA REGULATION | CoRDiS : sanction relative à la méconnaissance par la société J.P. Morgan SE de l’obligation de communication d’informations nécessaires à l’accomplissement des missions de la CRE OFGEM : sanction de plus de 8 millions d’euros de dix fournisseurs d’énergie pour surfacturation |
ET AUSSI | Assemblée nationale : rapport sur la gestion et l’exploitation des installations hydroélectriques |
[Actualités de mai 2025]
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LES TEXTES
Décrets
Nomination de Madame Paquita Morellet-Steiner comme Présidente du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie
Madame Paquita Morellet-Steiner, Conseillère d’Etat, est nommée Présidente du Comité de règlement des différends et sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) par décret du 13 mai 2025. Elle succède à Thierry Tuot, dont le mandat est arrivé à son terme le 25 avril dernier.
Modification de l’instruction des demandes de déclaration d’utilité publique des ouvrages de réseaux publics d’électricité
Les ouvrages de réseaux publics d’électricité peuvent être implantés sur des parcelles privées au titre de servitudes. Celles-ci peuvent résulter de la conclusion d’une convention de servitude entre le gestionnaire du réseau public et le propriétaire de la parcelle ou d’une déclaration d’utilité publique des travaux (DUP) nécessaires à l’établissement des ouvrages selon la procédure prévue par les articles R. 323-3 et suivants du code de l’énergie.
Le décret du 14 mai 2025 modifie les modalités d’instruction des demandes de DUP des ouvrages des réseaux publics d’électricité déposées après le 17 mai 2025.
Le décret transfère l’instruction des demandes de DUP des ouvrages de tension égale à 225 kilovolts du ministre chargé de l’énergie au préfet de département selon la procédure prévue à l’article R. 323-5 du code de l’énergie.
Le texte modifie également les délais de consultation des maires et des services. Le délai est d’un mois pour l’ensemble des ouvrages de faible tension visés à l’article R. 323-1 1° du code de l’énergie et de deux mois lorsque le projet est soumis à étude d’impact.
Enfin, le décret encadre le temps laissé à l’autorité compétente pour se prononcer sur une demande après consultation du public.
Principales délibérations de la CRE
Approbation du modèle de contrat d’accès au réseau public de distribution des entreprises locales de distribution (ELD) pour les clients en contrat unique
Par plusieurs délibérations du 24 avril 2025, publiées le 6 mai 2025, la CRE approuve les modèles de contrat d’accès aux réseaux publics de distribution de gaz des ELD pour les clients en contrat unique (contrat CDG-F).
Ces contrats concernent Gazelec de Péronne, Gedia, la régie municipale multiservices de la Réole, la régie municipale Bazas Energies, Energies Services Occitans, Energis, Gascogne Energie Services, Energies Services Lannemezan, Seolis et Vialis.
La CRE a procédé à l’analyse de leurs modèles de contrat CDG-F et les considère comme conformes au modèle commun. Ces modèles s’appliquent aux contrats en cours à compter de la publication de la délibération correspondante au Journal officiel de la République française.
- Consulter la délibération n°2025-102 du 24 avril 2025 (Gazélec de Péronne)
- Consulter la délibération n°2025-103 du 24 avril 2025 (Gedia)
- Consulter la délibération n°2025-104 du 24 avril 2025 (Régie municipale multiservices de la Réole)
- Consulter la délibération n°2025-105 du 24 avril 2025 (Régie municipale Bazas Energies)
- Consulter la délibération n°2025-106 du 24 avril 2025 (Energies Services Occitans)
- Consulter la délibération n°2025-107 du 24 avril 2025 (Energis)
- Consulter la délibération n°2025-108 du 24 avril 2025 (Gascogne Energies Services)
- Consulter la délibération n°2025-109 du 24 avril 2025 (Energies Services Lannemezan)
- Consulter la délibération n°2025-110 du 24 avril 2025 (Séolis)
- Consulter la délibération n°2025-111 du 24 avril 2025 (Vialis)
Modification de la méthodologie d’évaluation des charges de service public de l’énergie en métropole continentale
Par sa délibération du 30 avril 2025, publiée le 6 mai 2025, la CRE modifie la méthodologie d’évaluation des charges de service public de l’énergie (CSPE) en métropole continentale.
Elle a vocation à être appliquée chaque fois que la CRE procède à l’évaluation du montant des charges de service public de l’énergie en métropole continentale, sous réserve qu’aucune circonstance particulière ou aucune considération d’intérêt général ne justifie qu’il y soit dérogé.
Validation des investissements de distribution de GRDF associés au développement des gaz renouvelables ou bas-carbone
Par sa délibération du 7 mai 2025, la CRE valide les investissements de distribution de GRDF associés au développement des gaz renouvelables ou bas-carbone.
Ces investissements se répartissent en un programme de 12 investissements de renforcement permettant l’adaptation du réseau de distribution pour en augmenter les capacités d’accueil de gaz renouvelable ou bas-carbone, pour un montant de 5,4 millions d’euros.
La CRE indique également qu’il incombe à GRDF d’adapter le rythme de réalisation de ces investissements pour respecter le plafond annuel d’investissements prévu aux articles D. 453-20 à D. 453-25 du code de l’énergie, nécessaires pour permettre l’injection du biogaz produit.
Evolution de la grille tarifaire du tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF au 1er juillet 2025
Par sa délibération du 14 mai 2025, la CRE fait évoluer la grille tarifaire du tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF au 1er juillet 2025.
LE JUGE
Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE)
Faculté pour les Etats membres d’adopter une réglementation prévoyant l’application, à un client résidentiel ou professionnel, d’une pénalité contractuelle en cas de résiliation anticipée d’un contrat de fourniture d’électricité à durée déterminée et à prix fixe
Par un arrêt du 8 mai 2025, la Cour de justice juge que les dispositions de la directive 2009/72 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et, plus particulièrement, celles de son article 3(7), relatif aux obligations de service public et à la protection du consommateur, et de son annexe I(1)(a), portant sur les mesures relatives à la protection des consommateurs, ne s’opposent pas à ce qu’une réglementation nationale prévoit qu’une pénalité contractuelle peut être imposée à un client, résidentiel ou professionnel, lorsqu’il résilie, de manière anticipée, un contrat de fourniture d’électricité conclu pour une durée déterminée et à un prix fixe.
Elle précise qu’une telle réglementation nationale doit néanmoins respecter deux conditions. D’une part, elle doit garantir que la pénalité contractuelle est équitable, claire et communiquée à l’avance et librement consentie par le client souscrivant le contrat en cause. D’autre part, elle doit prévoir une possibilité de recours, administratif ou juridictionnel, dans le cadre duquel l’autorité nationale saisie peut apprécier le caractère proportionné de cette pénalité au regard des circonstances de l’espèce et, le cas échéant, imposer sa réduction ou sa suppression. A cet égard, la Cour de justice précise que la proportionnalité du montant de cette pénalité peut être appréciée au regard de la durée initiale du contrat en cause, de la durée restant à courir, de la quantité d’électricité achetée en vue de l’exécution du contrat et finalement non consommée par le client, ainsi que des moyens dont aurait disposé un fournisseur raisonnablement diligent pour limiter les éventuelles pertes économiques qu’il aurait subies du fait de cette résiliation anticipée. Cette interprétation est sans préjudice des droits que le client pourrait, le cas échéant, tirer de la réglementation de l’Union sur la protection des consommateurs.
En somme, les Etats membres ont la faculté de prévoir une telle réglementation pour autant qu’elle ne porte pas atteinte à l’effet utile de la directive qui vise, notamment, à établir un marché intérieur de l’électricité entièrement ouvert et compétitif, qui permette à tous les consommateurs de choisir librement leurs fournisseurs et à ces derniers de fournir librement leurs produits à leurs clients, à promouvoir la compétitivité sur le marché intérieur, afin d’assurer la fourniture d’électricité au prix le plus bas possible, et à créer des conditions de concurrence équitables sur ce marché. La réalisation de ces objectifs serait compromise si une réglementation nationale permettait l’imposition de pénalités contractuelles sans commune mesure avec les coûts occasionnés par le contrat mais non entièrement amortis en raison de la résiliation anticipée de ce dernier qui dissuaderait ainsi les clients de changer de fournisseur.
Conseil d'Etat
Faculté pour l’organe de sanction de l’autorité de régulation de dispenser de toute sanction la personne mise en cause si les circonstances le justifient au regard du principe de proportionnalité
Saisi par la présidente de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD) d’un recours tendant à l’annulation de la décision de dispense de sanction prise par la commission des sanctions et au prononcé d’une mesure de suspension de 18 mois ou de toute autre sanction à l’encontre du sportif mis en cause, le Conseil d’Etat juge, par une décision du 6 mai 2025, que la faculté pour la commission des sanctions de réduire la durée de la sanction de suspension peut aller, conformément au principe d’individualisation des peines, jusqu’à dispenser l’intéressé de toute sanction lorsque les circonstances le justifient au regard du principe de proportionnalité et ce, même si le manquement est établi. La circonstance qu’une disposition du code du sport prévoit expressément une hypothèse spécifique de dispense de sanction ne fait, par suite, pas obstacle à l’application de la clause de proportionnalité.
Au cas présent, il estime que les circonstances justifiaient une réduction de la durée de la suspension mais pas une dispense totale de toute sanction, s’agissant d’un sportif évoluant depuis plusieurs années en catégorie professionnelle et ayant pris une substance qu’il savait interdite, sans rechercher d’alternatives médicales ni accomplir les diligences utiles. Il prononce, en conséquence, une sanction de suspension de trois mois à l’encontre de l’intéressé.
Absence de méconnaissance de l’obligation de notification du droit de se taire lors de l’audition par l’autorité de régulation dans le cas où la sanction infligée par celle-ci ne repose pas de manière déterminante sur les déclarations faites lors de cette audition
Saisi par la société C8 d’un recours tendant à l’annulation de la décision de l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) lui infligeant une sanction pécuniaire de 300 000 euros, le Conseil d’Etat réforme cette décision, le 6 mai 2025, afin de ramener le montant de la sanction prononcée à 150 000 euros.
Dans cette affaire, il écarte, d’abord, le moyen tiré de la méconnaissance, lors de l’audition par l’Arcom des représentants de la société dans le cadre de la procédure de sanction, de l’obligation de notification du droit de se taire au motif que la sanction infligée ne repose pas de manière déterminante sur les déclarations faites lors de cette audition mais sur les propos tenus lors de l’émission litigieuse.
Ensuite, il rappelle que le principe de nécessité des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, afin de protéger les mêmes intérêts. A cet égard, il relève que les éditeurs de services visés par la loi de 1986 relative à la liberté de communication ne peuvent faire l’objet d’aucune poursuite pénale pour délit d’injure publique sur le fondement de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et que le pouvoir de sanction confié à l’Arcom par la loi de 1986 ne vise ni à protéger les mêmes intérêts sociaux ni à sanctionner les mêmes personnes que la loi de 1881. Il écarte ainsi le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, du principe de non-cumul des sanctions.
Enfin, il estime que le montant de la sanction infligée, trois fois supérieur à celui proposé par le rapporteur indépendant et, plus généralement, supérieur à celui infligé par d’autres décisions de sanction prononcées contre la chaîne, est excessif au regard de la teneur des manquements en cause et de l’ensemble des circonstances. Il en va ainsi alors même que la sanction de 300 000 euros prononcée par l’Arcom représentait 0,35 % du chiffre d’affaires de la chaîne, soit un montant très inférieur au plafond de 3 %, porté à 5 % en cas de récidive, prévu par les textes applicables. Il réduit, en conséquence, la sanction pécuniaire de moitié pour la ramener à 150 000 euros.
L'EUROPE
Commission européenne
Feuille de route relative à la fin de la dépendance européenne à l’égard de l’énergie russe
La Commission européenne a publié le 12 mai 2025 sa feuille de route pour l'arrêt des importations d'énergie russe de l’Union européenne (UE). Elle vient compléter un premier plan baptisé « RePowerEU » et dévoilé en mai 2022 (cf. L’Energie du droit n°52, mai 2022). La Commission européenne préconise la mise en place de plusieurs mesures législatives d’ici juin afin d’atteindre cet objectif.
Pour le gaz, elle annonce :
- la création d’un cadre européen en matière de transparence, de suivi et de traçabilité des importations de gaz russe dans l’UE ;
- la proposition d’une législation exigeant des Etats membres qu’ils planifient et contrôlent l’élimination progressive du gaz russe ;
- la proposition législative d’interdiction d’ici la fin de l’année 2025 de toutes les importations résultant de nouveaux contrats de gaz russe et de contrats spot existants ;
- des mesures visant à interdire d’ici la fin de l’année 2027 les importations restantes de gaz russe au titre des contrats de long terme existants (par gazoduc et par gaz naturel liquéfié) ;
- une incitation à la diversification par l’agrégation de la demande et le développement du biogaz et biométhane.
Pour le nucléaire, elle annonce :
- des mesures commerciales sur les importations d’uranium enrichi russe ;
- la restriction des nouveaux contrats de fourniture cosignés par l'Agence d'approvisionnement d'Euratom pour l'uranium, l'uranium enrichi et d'autres matières nucléaires avec des fournisseurs russes ;
- une proposition législative assortie d'objectifs de remplacement des combustibles nucléaires russes par des combustibles alternatifs en accélérant la passation de marchés et l'octroi de licences pour ces combustibles et en continuant à développer des solutions de remplacement entièrement européennes ;
- la suppression progressive de la dépendance à l'égard de la Russie pour l'uranium, l'uranium enrichi et d'autres matières nucléaires ;
- l’accroissement de la transparence sur les dépendances et l’encouragement à la diversification des approvisionnements russes en pièces détachées et en services de maintenance.
Enfin, elle fixe à la fin de l’année 2027 la fin des importations d’hydrocarbures russes.
Agence de Coopération des Régulateurs de l’Energie (ACER)
Premiers rapports sur la détection, le signalement et la réponse aux comportements suspects sur les marchés de l’énergie dans le cadre du règlement sur l’intégrité et la transparence de marché (REMIT)
L’ACER a publié le 8 mai 2025 ses premiers rapports sur la détection, le signalement et la réponse aux comportements suspects sur les marchés de l’énergie dans le cadre du règlement REMIT (article 15(5)). Les rapports publiés concernent :
les personnes organisant des transactions à titre professionnel sur les marchés de gros de l’énergie (PPAT) ;
l’analyse, par les autorités de régulation nationales de l’énergie notamment sur leur analyse des rapports de transactions et d’ordres suspects soumis par les PPAT et leurs activités en matière d’exécution et de sanction.
Ces rapports sont de nouvelles obligations résultant de la révision du règlement REMIT en 2024.
L’ACER relève plusieurs aspects à améliorer s’agissant des pratiques de surveillance des PPAT :
une absence de fonction de surveillance formelle, des conflits d’intérêts non divulgués par les employés, des procédures de surveillance du marché non définies et non formalisées ;
une absence de système informatique de surveillance et une influence indue de la direction sur le contenu ou la soumission des déclarations de transactions et d’ordres suspects.
L’ACER suggère une séparation structurelle des fonctions de surveillance de REMIT qu'elles soient internes ou externalisées, une mise à jour ou une amélioration des procédures d'interaction avec les clients pour garantir une surveillance efficace, l’utilisation d’outils professionnels et certifiés adaptés à leurs besoins, l‘augmentation de l’étendue du suivi par des systèmes de surveillance qui doivent contrôler tous les produits commercialisables afin de détecter les manipulations inter-produits et des audits réguliers des fonctions de surveillance.
L'ACER examine les rapports sur les transactions et les ordres suspects soumis par les PPAT en 2023 et 2024 et considère que leur qualité est satisfaisante et fournit suffisamment d'informations pour évaluer les manquements potentiels au REMIT. Toutefois, afin de renforcer la capacité des régulateurs nationaux à analyser les rapports qu'ils reçoivent, elle suggère de :
renforcer la coopération entre les autorités de régulation nationales et les PPAT afin d'améliorer la qualité du reporting des ordres et transactions suspects ;
assurer des ressources adéquates en fournissant le personnel et les outils nécessaires pour gérer le nombre croissant de cas REMIT ;
communiquer rapidement avec l'ACER en lui notifiant l'ouverture d'enquêtes concernant des manquements potentiels au REMIT et en fournissant en temps utile des mises à jour sur les dossiers ;
rationaliser la gestion des dossiers en rejetant rapidement les rapports sur les manquements potentiels au REMIT qui, après un premier examen, sont jugés non pertinents ou qui ne constituent pas une priorité.
- Consulter le rapport sur la surveillance de marché des personnes organisant des transactions à titre professionnel (en anglais)
- Consulter le rapport sur les activités des autorités de régulation nationales en matière de transactions et d’ordres suspects (en anglais)
Lettre d’information trimestrielle n°40 de l’ACER relative à REMIT
L’ACER a publié, le 16 mai 2025, la 40e lettre d’information trimestrielle relative au REMIT couvrant le premier trimestre 2025. Cette édition comporte notamment des articles concernant :
la mise à jour des questions-réponses de l’ACER sur le REMIT ;
la sanction du CoRDiS de la CRE à l’égard des sociétés Danske Commodities A/S et Equinor ASA. Les actions coordonnées de ces sociétés, qui ont envoyé des signaux faux ou trompeurs et fixé artificiellement les prix, enfreignent l'article 5 du REMIT ;
la sanction du régulateur espagnol de l’énergie à l’égard de trois acteurs de marché espagnols ayant manipulé le marché infrajournalier de l'électricité en émettant des signaux faux ou trompeurs concernant l'offre, entre août 2022 et mars 2023, en violation de l'article 5 du REMIT ;
les progrès dans la collecte des données d’ordres et de transactions (12 milliards enregistrés en 2024 contre 2,8 milliards en 2021) ;
les recommandations adressées à la Commission européenne pour l'adoption des actes délégués concernant la mise en œuvre du REMIT révisé. L’ACER entend ainsi accompagner la révision du règlement d'exécution du REMIT et de la préparation des actes relatifs aux mécanismes de déclaration enregistré (RRM) et aux plateformes d’informations privilégiées (IIP).
Avis sur deux documents produits par l’ENTSO-E dont le projet de plan décennal de développement du réseau électrique 2024
L’ACER a publié le 26 mai 2025 un avis relatif au projet de plan décennal de développement des réseaux de transport d'électricité 2024 de l’ENTSO-E. Cet avis concerne également le rapport d'identification des lacunes en matière d'infrastructures électriques.
L’ACER observe des améliorations par rapport au dernier plan décennal proposé en 2022, notamment l’introduction d’une variante permettant d'évaluer les besoins du système jusqu’en 2050. Dans l’ensemble, le projet se conforme aux objectifs de non-discrimination et de concurrence effective établis par le Règlement « Electricité » UE 2019/943.
Des lacunes sont néanmoins relevées. En premier lieu, la publication tardive du plan pour 2024 (le 9 avril 2025) est susceptible d’entrainer l’utilisation de données obsolètes. En outre, l’ACER note le manque de transparence des informations utilisées.
L’ACER recommande à l’ENTSO-E de se concentrer dans ses futurs projets sur des projections de moyen terme (10-15 ans). Elle encourage également la publication par celui-ci des résultats des évaluations coûts-avantages par pays.
L'ACER recommande également que l'ENTSO-E intègre davantage l'obligation d'atteindre un objectif de 70 % du volume de la capacité d'interconnexion à mettre à la disposition des acteurs du marché dans la modélisation du réseau électrique.
En ce qui concerne le rapport d’identification des lacunes en matière d'infrastructures électriques, l’ACER suggère que le réseau de référence ne comprenne pas des projets fictifs, notamment les interconnexions fictives avec le Royaume-Uni, au moins à court terme.
LA REGULATION
Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (CoRDiS)
Règlement d’un différend relatif aux modalités de remise en conformité d’une installation de consommation raccordée au réseau public de distribution d’électricité
Le CoRDiS s’est prononcé, par une décision du 16 avril 2025 publiée au Journal officiel du 7 mai 2025, sur une demande de règlement de différend présentée par M. G., à l’encontre de la société Strasbourg Electricité Réseaux (SER), qui concerne les modalités de remise en conformité d’une installation de consommation raccordée au réseau public de distribution d’électricité.
Dans le cadre de la rénovation d’un studio appartenant à M. G., un agent de SER, non mandaté par cette dernière, a procédé au déplacement de son disjoncteur sans assurer la mise en conformité de cet ouvrage avec les normes techniques en vigueur. M. G. reproche notamment au gestionnaire de réseaux de ne pas lui transmettre l’ensemble des informations relatives aux opérations réalisées sur son installation. Il lui demande une importante indemnisation pour le préjudice qu’il estime avoir subi, ainsi que la remise en état de son branchement individuel.
Le CoRDiS s’estime compétent pour régler le différend en ce qu’il porte sur la remise en conformité d’une installation électrique relevant du réseau public de distribution de SER, donc sur l’utilisation de ce réseau au sens de l’article L. 134-19 du code de l’énergie. En revanche, il juge irrecevables les demandes de M. G. en paiement de dommages et intérêts, tendant à voir prononcer une sanction pécuniaire à l’encontre de SER, en communication d’un rapport d’anomalie détaillant l’historique d’intervention, lequel est destiné à éclairer l’expert judiciaire dont M. G. a demandé, en référé, la désignation, et en transmission de la procédure au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.
Au cours de la séance publique du comité, SER s’est engagé à réaliser à ses frais et sous dix jours les travaux de remise en conformité. Toutefois, interrogé par le comité sur cette proposition, M. G. l’a rejetée à plusieurs reprises au motif que cette intervention pourrait faire obstacle à ce que les preuves de la non-conformité de son installation puissent être constatées par un expert dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours. Constatant le refus par M. G. de la solution permettant de régler, en faisant droit à ses conclusions recevables, le différend dont il a saisi le CoRDiS, ce dernier rejette la demande dont il avait été saisi initialement.
Ainsi, le CoRDiS ne peut que rejeter une demande de règlement de différend dès lors que l’auteur de cette saisine refuse la proposition de règlement du différend qui lui est proposée par le comité et qui est acceptée par l’autre partie.
Sanction relative à la méconnaissance par la société J.P. Morgan SE de l’obligation de communication d’informations nécessaires à l’accomplissement des missions de la CRE
Le CoRDiS prononce une sanction d’un montant de 500 000 euros à l’encontre de la société J.P. Morgan SE (JPMSE) au titre de la méconnaissance de l’obligation de communication d’informations nécessaires à l’accomplissement des missions de la CRE.
Cette décision est la première du CoRDiS qui sanctionne un manquement à l’une des obligations d’information prévues par le code de l’énergie. Le comité a estimé qu’il résulte de la combinaison des textes L. 131-1, L. 131-2 et
L.134-18 du code de l’énergie que la CRE, pour l’accomplissement de ses missions, est dotée du pouvoir de recueillir toutes les informations nécessaires auprès des entreprises intervenant directement ou indirectement sur les marchés français de l’électricité.
Le 9 juillet 2024, la présidente de la CRE a saisi le CoRDiS d’une demande de sanction. Cette demande repose sur les conclusions d’une enquête ouverte par la CRE le 12 octobre 2023 visant à établir si JPMSE, en refusant de répondre aux demandes d’informations des 2 août 2022 et 16 février 2023, a manqué à l’obligation de communication de documents et d’informations visée à l’article L. 134-29 du code de l’énergie.
JPMSE, une société qui propose notamment à ses clients des services d’accès aux marchés des matières premières, et dont le siège social est situé en
Allemagne, a toutefois refusé de répondre aux demandes d’informations adressées par la CRE, au motif principal que, en vertu des dispositions du
REMIT, la CRE n’a pas le pouvoir d’adresser directement des demandes contraignantes aux acteurs de marchés situés dans d’autres Etats membres.
Dans sa décision du 22 avril 2025, le CoRDiS a retenu, à l’encontre de JPMSE, le manquement, visé à l’article L. 134-29 du code de l’énergie, à l’obligation de communication d’informations prévue à l’article L. 134-18 de ce code.
En premier lieu, le CoRDiS, par une lecture combinée des articles L. 131-1,
L. 131-2 et L. 134-18 du code de l’énergie, a rappelé que, pour l’accomplissement de ses missions, la CRE est dotée du pouvoir de recueillir toutes les informations nécessaires auprès des entreprises intervenant directement ou indirectement sur les marchés français de l’électricité.
En second lieu, il a décidé, aux visas des articles L. 138-18 et L. 134-29 du code de l’énergie, que les entreprises intervenant, directement ou indirectement, sur le marché de l’électricité français ont l’obligation de fournir à la CRE les informations qu’elle sollicite pour l’accomplissement de ses missions et que le CoRDiS peut, lorsque des griefs ont été notifiés, prononcer une sanction à l’encontre d’une entreprise qui a opposé son refus, après établissement d’un procès-verbal de constat et mise en demeure infructueuse de l’intéressée de s’y conformer.
En l’espèce, le CoRDiS a constaté, d’une part, que JPMSE doit être regardée comme étant, pour le compte de ses clients, intervenue indirectement sur le marché de gros français de l’énergie, et, d’autre part, que si JPMSE a fourni une partie des éléments demandés, elle a toutefois maintenu son refus de transmettre à la CRE les informations relatives à l’identité de ses clients contreparties, ainsi que celle de ses clients émetteurs et destinataires de transactions portant sur les produits objet des demandes d’informations. En outre, interrogée lors de la séance sur son omission de fournir des informations relatives à la présentation de son organisation et de son activité, JPMSE a confirmé, après avoir soutenu durant toute la procédure avoir répondu aux demandes qu’elle estimait légitimes, avoir cependant omis, sans raison valable, de répondre sur ce point aux demandes de la CRE et s’est proposée d’y procéder le cas échéant, ce dont le comité a pris acte.
Le CoRDiS sanctionne donc JPMSE à hauteur de 500 000 euros.
En outre, le CoRDiS a enjoint à cette société de publier la décision de sanction dans son prochain communiqué financier, qui devra également contenir, en haut de sa première page, de manière apparente, un bandeau contenant la mention suivante en langue française, également traduite en langue anglaise et allemande : « La société JPMSE a été condamnée, par une décision n° 03-40-24 du comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 22 avril 2025, au titre de la méconnaissance de l’obligation de communication d’information prescrite par l’article L. 134-18 du code de l’énergie, au paiement d’une sanction pécuniaire d’un montant qui s’élève à cinq cent mille euros (500 000 €) ».
Office of Gas and Electricity Markets (OFGEM)
Sanction de près de 177 500 euros d’un fournisseur d’énergie pour défauts de facturation des compteurs à prépaiement
Une enquête menée par l'Ofgem a révélé que 2 284 comptes de clients à prépaiement du fournisseur Good Energy ont été affectés entre 2014 et octobre 2023 en raison d'une erreur dans le système de facturation.
En raison de ce problème, les clients à prépaiement qui ont changé de fournisseur ou résilié leur contrat n'ont pas reçu leurs factures finales dans les six semaines, comme l'exigent les règles de l'Ofgem.
À la suite de ces défaillances, et en reconnaissance de l'impact que ces problèmes ont pu avoir sur les clients utilisant des compteurs à prépaiement, dont beaucoup ont pu être confrontés à des difficultés financières, Good Energy a accepté de payer un total de 150 067 livres sterling (177 483 euros).
Sanction de plus de 8 millions d’euros de dix fournisseurs d’énergie pour surfacturation
Dix fournisseurs ont versé à plus de 34 000 clients un total de 7 millions de livres sterling (8 278 830 euros) sous forme de compensations et de remboursements après avoir surfacturé certains clients par erreur, à la suite d'un contrôle de conformité effectué par l'Ofgem.
Ce problème a particulièrement touché les clients disposant d'une « infrastructure de comptage restreinte » entre janvier 2019 et septembre 2024, ce qui signifie qu'ils ont plus d'un point de comptage d'électricité sur leur propriété enregistrant la consommation d'énergie.
L'Ofgem rappelle qu’elle attend des fournisseurs qu'ils soient vigilants et veillent à ce que les clients ne soient pas facturés plus que le plafond des prix, qui fixe une limite au montant que les fournisseurs peuvent facturer pour l'énergie. Il s'agit notamment de veiller à ce que l'application de plusieurs tarifs permanents ne conduise pas à une surfacturation au titre du plafonnement des prix.
Sanction de près de 10 millions d’euros de trois distributeurs de gaz pour avoir manqué leurs objectifs d’intervention en cas d’urgence
Cadent Gas Limited, Scotland Gas Networks Plc (SGN Scotland) et Southern Gas Networks Plc (SGN Southern) ont volontairement accepté de payer un total de 8 millions de livres sterling (9 461 520 euros) au fonds de réparation de l'énergie de l'Ofgem après avoir échoué à atteindre leurs objectifs d'intervention en cas d'urgence gazière dans les délais requis.
Les règles de l'Ofgem exigent en effet que les opérateurs de réseaux de distribution de gaz, qui gèrent et entretiennent le réseau qui achemine le gaz vers les foyers et les entreprises, interviennent en cas de fuites de gaz présumées dans un délai d'une ou deux heures, selon les circonstances de l'incident, dans 97 % des cas.
Une enquête a été ouverte par l'autorité de régulation après que les opérateurs concernés ont déclaré, avant de soumettre officiellement leurs chiffres, qu'ils n'avaient pas atteint les objectifs fixés pour la période 2022-2023.
ET AUSSI
Rapport parlementaire sur la gestion et l’exploitation des installations hydroélectriques
La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a publié le 17 mai 2025 un rapport d’information sur les modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques.
Les rapporteurs rappellent que le droit européen impose la mise en concurrence des exploitants lors de l’attribution ou du renouvellement des contrats de concessions hydroélectriques. La France fait l’objet de deux mises en demeures à ce sujet en 2015 et en 2019. Aucune mise en concurrence n’a été menée à ce jour, les concessions échues sont exploitées sous le régime des délais dits « glissants ».
Les rapporteurs considèrent qu’un statuquo juridique ne permet pas de garantir la continuité du service public, la sécurité énergétique par de nouveaux investissements et le respect des règles de concurrence. Ils proposent à terme la révision de la directive relative aux contrats de concessions 2014/23/UE afin d’exclure l’hydroélectricité de son périmètre d’application. Dans l’attente de l’aboutissement d’une révision de la directive, les rapporteurs proposent que les installations sous régime concessif passent à un régime d’autorisation sous réserve que des garanties juridiques soient mises en place.
Le Comité de rédaction | |
Alexandra BONHOMME Emmanuel RODRIGUEZ David MASLARSKI Pauline KAHN DESCLAUX | Sophie MARKARIAN Claire PARGUEY Sophie de ROCHEGONDE |