L'énergie du droit - numero 89
Actualité Électricité Gaz
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A LA UNE
| LES TEXTES | Ordonnance portant transposition de la directive relative à l'efficacité énergétique Décret relatif à la sixième période du dispositif des certificats d'économies d'énergie |
| LE JUGE | CJUE : précisions sur l'application des méthodologies de calcul des tarifs applicables aux installations de stockage et aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel Conseil d'Etat : rejet du recours de l'ANODE contre le décret du 18 juin 2024 modifiant les modalités de répartition du complément de prix (CP1) versé dans le cadre de l'ARENH |
| L’EUROPE | Commission européenne : adoption d’un nouveau paquet de sanctions contre la Russie ACER : avis sur les projets de listes de projets d’intérêt commun (PIC) et de projets d’intérêt mutuel (PIM) pour 2025 |
| LA REGULATION | CoRDiS : raccordement d’une installation de consommation au réseau public de distribution d’électricité sur l’île de la Réunion |
| ET AUSSI | CEER : réponse à la consultation publique de la Commission européenne sur le Citizens Energy Package |
[Actualités d'octobre 2025]
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LES TEXTES
Ordonnance
Ordonnance portant transposition de la directive relative à l'efficacité énergétique
La loi du 30 avril 2025 a transposé certaines directives européennes et adapte le droit français à plusieurs règlements européens récents dans différents domaines, dont plusieurs dispositions sont relatives au secteur de l’énergie (cf. L’Energie du droit n° 84, avril 2025). Cette loi a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de sa promulgation, les mesures permettant à la transposition des articles de la directive (UE) 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l'efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955 n'ayant pas fait l'objet d'une transposition.
L'ordonnance du 14 octobre 2025 traite des objectifs en matière d’efficacité énergétique et de sobriété énergétique dans le cadre des missions dévolues aux gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel et d'électricité. Elle modifie les missions de la CRE afin d’y inclure l'évaluation et la prise en compte des objectifs d'efficacité et de sobriété énergétiques dans le cadre de la régulation des réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel. De plus, elle procède à l'adaptation des missions des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel, en y intégrant les enjeux liés à l’efficacité et à la sobriété énergétiques, sans création de nouvelles obligations à leur charge.
Par ailleurs, l’ordonnance vise à adapter les dispositions pertinentes du code de la commande publique et du code de l’énergie, en lien avec les nouvelles exigences relatives aux marchés publics. Elle précise notamment les obligations applicables à certains marchés publics et contrats de concession pour lesquels les acheteurs publics et les autorités concédantes sont tenus d'acquérir exclusivement des produits, services et équipements à haute performance énergétique.
Décrets
Décret modifiant les seuils applicables pour bénéficier de l'obligation d'achat pour la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables
Le décret du 28 octobre 2025 modifie l’article D. 314-15 du code de l’énergie afin de le mettre en cohérence avec l’évolution du soutien public par arrêté tarifaire à certaines typologies d’installations.
Le décret modifie les seuils d'éligibilité à l'obligation d'achat pour supprimer les installations valorisant le biogaz produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute et pour abaisser le plafond d'éligibilité des installations solaires photovoltaïques sur le territoire métropolitain continental de 500 à 100 kW.
Décret relatif à la sixième période du dispositif des certificats d'économies d'énergie
Le décret du 30 octobre 2025 fixe les contours de la sixième période des certificats d’économies d’énergie (CEE), laquelle débutera le 1er janvier 2026 et s’étendra jusqu’au 31 décembre 2030. Le niveau global d’obligation retenu par le gouvernement pour la sixième période est de 1 050 térawattheures cumac (TWhc) par an, soit une augmentation d’environ 27 % par rapport à la fin de la cinquième période. Ce volume inclut une obligation de précarité des CEE générés par les actions bénéficiant aux ménages en situation de précarité énergétique, fixée à 280 TWhc par an.
Le décret détermine les obligations annuelles d’économies d’énergie que doivent respecter les fournisseurs et les vendeurs d’énergie par type d'énergie pour la sixième période du dispositif des CEE. Plus précisément, le décret définit certains éléments structurants de cette période : l'étendue de la période (2026-2030), l'abaissement de certains seuils de franchise, les coefficients d'obligation hors précarité, l’intégration de nouveaux critères de pondération (maintien d’un temps minimal de retour sur investissement ou d’un reste minimal à la charge des bénéficiaires des économies d’énergie), le processus de transmission d'information au teneur du registre pour l'ouverture d'un compte, le volume minimal pour les délégations partielles, une précision quant à la durée d’utilisation des CEE et à leur péremption.
Arrêté
Arrêté modifiant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l'énergie solaire photovoltaïque, d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts et situées en métropole continentale
L’arrêté tarifaire du 6 octobre 2021 (ci-après « AT S21 Bâtiment ») a défini les conditions du soutien financier aux installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l'énergie solaire photovoltaïque, d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts et situées en métropole continentale.
Depuis sa publication, l’AT S21 Bâtiment a fait l’objet de sept arrêtés modificatifs, dont l’arrêté du 26 mars 2025 qui a modifié les conditions d’éligibilité au guichet ouvert en la limitant aux installations de puissance crête inférieure ou égale à 100 kWc à compter de la date d’ouverture du dépôt des candidatures d’une procédure de mise en concurrence pour les installations de puissance crête supérieure à 100 kWc et inférieure ou égale à 500 kWc.
L’arrêté du 6 octobre 2025 vise à supprimer du périmètre d’éligibilité de l’arrêté AT S21 Bâtiment les installations de puissance installée comprise entre 100 kWc et 500 kWc. Il vise également à modifier les conditions d’éligibilité au guichet ouvert, en les limitant aux installations dont la somme de la puissance crête et la puissance Q – c’est-à-dire la puissance installée de l’ensemble des autres installations raccordées ou en projet sur le même site d’implantation que l’installation objet du contrat d’achat, à l’exception des installations au sol utilisant l’énergie solaire photovoltaïque éligibles à un autre dispositif de soutien, et dont les demandes complètes de raccordement ont été déposées dans les 18 mois avant ou après la date de la demande complète de raccordement de l’installation objet du contrat d’achat - est inférieure ou égale à 100 kWc. Enfin, l’arrêté apporte des précisions de forme sur les conditions de collecte de l’attestation de l’entreprise ayant réalisé l’installation par l’acheteur obligé.
La CRE a rendu un avis sur ce décret par une délibération du 25 septembre 2025.
- Consulter l’arrêté du 6 octobre 2025 modifiant l'arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l'énergie solaire photovoltaïque, d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts telles que visées au 3° de l'article D. 314-15 du code de l'énergie et situées en métropole continentale
- Consulter la délibération n° 2025-223 de la CRE du 25 septembre 2025
Principales délibérations de la CRE
Evolution des modalités de gestion des congestions du Sud vers le Nord sur les réseaux de transport de gaz
Par une délibération du 24 septembre 2025, publiée le 6 octobre 2025, la CRE précise les modalités de fonctionnement de la zone de marché unique de gaz en France, Trading Region France (TRF), entrée en fonctionnement le 1er novembre 2018. Cette zone a permis la création d’un prix de gros du gaz unique pour l’ensemble des consommateurs français, l’accès à des sources d’approvisionnement variées et compétitives en fonction des configurations du marché mondial, et le renforcement de la liquidité et de l’attractivité du marché français du gaz.
Compte tenu du retour d’expérience positif de ces deux dernières années et des échanges avec les acteurs de marché, la CRE décide de la reconduction du mécanisme de swap stockage pour les années gazières 2025-2026, 2026-2027 et 2027-2028 à partir du 1er octobre 2025, qui se limitera au périmètre des capacités commercialisées par Storengy et sera opéré par l’opérateur de stockage. Le mécanisme de swap stockage se déroule en une première phase pendant laquelle Storengy augmente légèrement le niveau physique des stockages situés en aval des congestions probables et diminue légèrement le niveau physique des stockages situés en amont des congestions par rapport au niveau commercial, afin de constituer une réserve de gaz dans les stockages au nord des congestions attendues. Dans une seconde phase, lorsqu’une congestion du Sud vers le Nord se produit, le mouvement est réalisé dans la limite du stock de swap préalablement constitué.
Approbation des modalités des appels d’offres de réserves rapide et complémentaire pour l’année 2026
Pour mobiliser la réserve tertiaire, RTE a mis en place un mécanisme d’ajustement sur lequel des acteurs dits « d’ajustement » lui proposent des offres d’énergie d’équilibrage, issues soit de moyens non contractualisés, soit de moyens préalablement contractualisés par appels d’offres. Ces offres permettent à RTE de disposer de réserves ayant des caractéristiques techniques particulières, appelées réserves rapide et complémentaire.
Le 30 juillet 2025, RTE a saisi la CRE d’une demande de dérogation afin de contractualiser le volume de réserves rapide et complémentaire par le biais d’appels d’offres périodiques, d’une durée contractuelle correspondant aux trimestres civils, en plus des appels d’offres journaliers.
Par sa délibération du 25 septembre 2025, publiée le 2 octobre 2025, la CRE accorde la dérogation sollicitée par RTE, prévue aux paragraphes 9 et 10 de l’article 6 du Règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 (« Règlement électricité »), en ce que cette demande présente des effets positifs sur les coûts de contractualisation des réserves et sur la sécurité d’approvisionnement.
Communication sur les zones éligibles à la composante annuelle d’injection-soutirage introduite dans le TURPE 7 HTB et dans le TURPE 7 HTA-BT
Les délibérations n° 2025-77 et n° 2025-78 de la CRE ont introduit une composante annuelle d’injection-soutirage optionnelle pour les capacités de stockage raccordées aux niveaux de tension HTA, HTB 1 et HTB 2, afin d’inciter les installations de stockage à adopter un comportement permettant de réduire les pointes locales de réseau, tant d’injection que de soutirage.
Par une délibération du 1er octobre 2025, après avoir reçu des sociétés RTE et Enedis un projet de liste de zones, la CRE considère qu’il est pertinent d’étendre la définition des zones d’injection en HTA aux poches situées en aval des zones d’injection définies en HTB afin de mettre en cohérence les définitions des zones d’injection et des zones de soutirage.
Si les délibérations TURPE 7 HTB et HTA-BT prévoient que la liste des zones n’évoluera pas au cours de la période TURPE 7, les postes électriques créés pendant cette période doivent toutefois pouvoir intégrer la liste des zones éligibles à la composante injection-soutirage.
Ainsi, la CRE présente la liste des zones éligibles à la composante annuelle d’injection-soutirage à compter du 1er août 2026 et retient :
- 396 zones d’injection en HTB ;
- 1 588 zones de soutirage en HTB ;
- 1 114 zones non-éligibles en HTB ;
- 320 zones d’injection en HTA ;
- 1 121 zones de soutirage en HTB ;
- 794 zones non-éligibles en HTA.
Avis sur un projet de cahier des charges relatif à une procédure de mise en concurrence portant sur le soutien à la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone
Le 12 septembre 2025, à la suite de la désignation de dix candidats admis à participer au dialogue concurrentiel de la première période de la procédure, la CRE a été saisie par le ministre chargé de l’énergie d’un projet de cahier des charges relatif à la première période de la procédure de dialogue concurrentiel portant sur un soutien à la production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone.
Par une délibération du 1er octobre 2025, la CRE émet un avis favorable sur ce projet de cahier des charges qui a vocation à mettre en place un cadre technique, économique et contractuel permettant d’accompagner la réalisation effective des projets de production d’hydrogène dans des délais raisonnables, notamment en ce qui concerne le principe général du soutien sous la forme d’une aide au fonctionnement, indexée annuellement, sur une durée de 15 ans.
La CRE considère que les dispositions relatives au cumul des aides et au partage progressif de la surrentabilité éventuelle des projets entre le producteur et l’Etat sont de nature à contribuer à une rémunération raisonnable des projets.
Également, la CRE émet des recommandations d’évolution du projet de cahier des charges :
- revoir le montant des garanties financières dont le niveau apparait plus élevé que nécessaire pour garantir la sélection de projets robustes ;
- prévoir un encadrement plus souple de la puissance et de la production du projet pouvant bénéficier d’une aide ;
- ajouter une part d’indexation du soutien entre la remise de l’offre et le bouclage financier ;
- préciser que le report de date butoir d’achèvement dont peut bénéficier un producteur se limite à l’écart entre la date de mise à disposition effective du raccordement et la date prévisionnelle de mise à disposition du raccordement dont il disposait à la date de dépôt de son offre.
Bilan d’exécution du programme d’investissements 2024 et portant approbation du programme d’investissements 2025 révisé de RTE
Par une délibération en date du 9 octobre 2025, la CRE dresse le bilan des dépenses 2024 définitivement arrêtées de RTE début 2025 et approuve le programme d’investissements 2025 révisé afin de prendre en compte les ajustements intervenus depuis son approbation.
LE JUGE
Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE)
Exclusion de certains contrats de la dérogation à l’application d’une même méthode de calcul des prix de référence pour le réseau de transport de gaz
Saisie dans le cadre d’un litige opposant des sociétés hongroises à l’autorité hongroise de régulation du secteur de l’énergie et des services d’utilité publique (dite « MEKH »), la Cour de justice juge, par un arrêt du 2 octobre 2025, que l’article 35, paragraphe 1, du règlement 2017/460 établissant un code de réseau sur l’harmonisation des structures tarifaires pour le transport du gaz, constitue une disposition dérogatoire au principe de l’application d’une même méthode de calcul des prix de référence à tous les points d’entrée et de sortie dans un système entrée-sortie, qui est d’interprétation stricte.
Elle en déduit que cette exception ne peut trouver à s’appliquer qu’en présence d’un contrat conclu avant l’entrée en vigueur, le 6 avril 2017, du règlement 2017/460 et seulement si ce contrat ne prévoit pas, en dehors d’une éventuelle indexation, de changement des niveaux des tarifs de transport déterminés en fonction de la capacité et/ou de la quantité de gaz transitée. A cet égard, elle précise que la notion d’« indexation » vise tout mécanisme contractuel ou légal qui tend à faire varier de manière automatique, dans le temps, le montant d’une valeur financière initialement définie en fonction de l’évolution d’un indice de référence déterminé.
Au cas présent, elle considère que, faute de réunir les deux conditions cumulatives requises, les contrats long terme en cause, qui fixent des tarifs de transport pour un itinéraire spécifique du gaz, n’entrent pas dans le champ de l’exception. En effet, s’ils ont été conclus avant l’entrée en vigueur du règlement 2017/460 et comportent une clause d’indexation, ils prévoient également un changement des niveaux des tarifs de transport sur le fondement d’un tarif réglementé, incluant lui-même une indexation ainsi que d’autres facteurs, susceptible de s’appliquer en lieu et place du tarif contractuel.
Précisions sur l'application des méthodologies de calcul des tarifs applicables aux installations de stockage et aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel
Saisie dans le cadre d’un litige opposant les gestionnaires lettons des réseaux de distribution et de transport ainsi que des installations de stockage de gaz naturel à l’autorité lettone de régulation des services publics, la Cour de justice juge, par un arrêt du 23 octobre 2025, que les principes tarifaires harmonisés, prévus par l’article 41, § 8, de la directive 2009/73 et par l’article 13, § 1, du règlement 715/2009, ne sont applicables qu’aux réseaux de gaz naturel, et non aux installations de stockage de gaz naturel. Ces dernières sont, en effet, soumises à un régime spécifique, distinct du régime applicable aux monopoles naturels que sont les réseaux. Elles sont ainsi régies par des règles particulières d’accès, soit dans un cadre négocié, soit dans un cadre réglementé. Au demeurant, les autorités de régulation nationales ont la faculté d’étendre ces principes tarifaires à l’accès aux installations de stockage si des raisons objectives, tenant, par exemple, à leurs caractéristiques techniques ou à leur importance pour la sécurité de l’approvisionnement énergétique, le justifient.
En outre, la Cour juge qu’il résulte d’une lecture combinée des paragraphes 6, 8 et 16 de l’article 41 de la directive 2009/73 que les autorités de régulation nationales sont tenues, soit à la date d’adoption de la méthodologie de calcul des tarifs de transport et de distribution de gaz naturel, soit lors de la fixation concrète de ces tarifs, de prévoir, en plus de la couverture des coûts réels supportés par les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution pour assurer l’accès à ceux-ci, d’une part, celle des investissements nécessaires à la viabilité de ces réseaux et, d’autre part, des mesures incitatives appropriées, à court et à long terme. Bien que l’article 41, § 8, laisse une certaine marge d’appréciation aux autorités de régulation nationales dans la mise en œuvre de cette disposition, l’obligation, pour les Etats membres, d’adopter de telles mesures incitatives appropriées est d’effet direct.
Il résulte également de ces dispositions que les autorités de régulation nationales sont tenues de motiver et de justifier pleinement leurs décisions afin de garantir l’exercice d’un contrôle juridictionnel. Cela revient à exposer, de façon claire, non équivoque et suffisamment précise, dans la décision tarifaire ou en dehors du cadre strict de celle-ci, la manière dont ces tarifs sont censés assurer que les gestionnaires de ces réseaux sont incités, tant à court terme qu’à long terme, à poursuivre les objectifs de la directive et à soutenir les activités visées à son article 41.
Enfin, la Cour ajoute que l’obligation de prévoir des mesures incitatives appropriées et un rendement approprié des investissements aux fins de la détermination des tarifs ou méthodes de calcul appliqués aux gestionnaires des réseaux de transport ou de distribution de gaz naturel, ne requiert pas de recourir à des méthodes spécifiques de calcul. Disposant d’une large marge d’appréciation dans la fixation des tarifs de transport et de distribution de gaz naturel, les autorités de régulation nationales doivent être habilitées à ajuster la méthode de détermination de ces tarifs et leurs calculs en fonction de différents paramètres, sans qu’il existe, en outre, une obligation de procéder à ces calculs en tenant compte de l’inflation et/ou de l’impôt sur les sociétés.
Tribunal de l’Union européenne
Annulation de la décision de la commission de recours de l’ACER rejetant comme irrecevable le recours du gestionnaire de réseau de transport d’électricité suisse contre la décision de l’ACER relative à la « plateforme IN »
Par un arrêt du 8 octobre 2025, le Tribunal de l’Union européenne annule la décision du 29 juin 2023 par laquelle la commission de recours de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a rejeté comme irrecevable le recours de la société Swissgrid, gestionnaire du réseau de transport d’électricité suisse, dirigé contre la décision 16/2022 de l’ACER modifiant le cadre de mise en œuvre de la plateforme européenne pour le processus de compensation des déséquilibres (dite « plateforme IN »).
Certes, le Tribunal approuve l’interprétation du règlement (UE) 2017/2195, faite par la commission de recours de l’ACER, selon laquelle la participation des gestionnaires de réseaux de transport extérieurs à l’Union aux plateformes européennes communes pour la mise en œuvre du processus de compensation des déséquilibres et la réalisation des conditions de l’échange d’énergie d’équilibrage, dont la « plateforme IN », est en principe exclue, sauf à relever de l’une des hypothèses visées aux paragraphes 6 et 7 de l’article 1er de ce règlement. A cet égard, il précise que la participation à ces plateformes peut néanmoins être fondée sur une autre disposition, telle qu’un accord international entre l’Union et le pays tiers concerné.
Mais le Tribunal juge qu’en retenant que la décision 16/2022 de l’ACER, excluant explicitement la participation à la « plateforme IN » de gestionnaires extérieurs à l’Union, ne modifiait pas de façon caractérisée la situation juridique de la société Swissgrid et que le recours de celle-ci était, par suite, irrecevable, la commission de recours a entaché son arrêt d’une erreur d’appréciation. En effet, la décision 16/2022 produisait des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la société Swissgrid, dès lors que celle-ci était partie à l’accord principal concernant les plateformes d’équilibrage, commun à l’ensemble des plateformes, ainsi qu’à l’accord de coopération sur l’International Grid Control Cooperation (IGCC), lequel constituait le projet de mise en œuvre évoluant vers la « plateforme IN ». En outre, ces contrats continuent de régir le fonctionnement de la « plateforme IN » et n’ont ainsi pas été privés de pertinence par l’adoption de son cadre de mise en œuvre. Par suite, en excluant le maintien de la participation de la société Swissgrid à la « plateforme IN », la décision 16/2022 doit être considérée, selon le Tribunal, comme privant cette société de ses droits contractuels et comme produisant ainsi directement des effets sur sa situation juridique.
Conseil d’Etat
Rejet du recours de l’Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Energie (ANODE) tendant à l’annulation du décret du 18 juin 2024 modifiant les modalités de répartition du terme CP1 du complément de prix versé dans le cadre du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)
Par une décision du 16 octobre 2025, le Conseil d’Etat rejette le recours de l’ANODE tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2024-556 du 18 juin 2024 modifiant la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux compléments de prix de l’ARENH et au compte « transition énergétique » géré par la Caisse des dépôts et consignations.
Dans cette décision, il juge, notamment, que n’est pas fondé le moyen tiré de ce que la suppression du reversement des sommes collectées au titre des CP1 pénaliserait les fournisseurs alternatifs dont les volumes d’électricité nucléaire demandés en amont de la période de livraison auraient été correctement appréciés et, par suite, ne garantirait pas des conditions de concurrence équitables en méconnaissance des objectifs des articles 3 et 65 de la directive 2019/944 et de l’article 3 du règlement 2019/943. En effet, d’une part, aucun droit, pour les fournisseurs alternatifs, d’accès à l’électricité nucléaire historique pour un volume minimal de 100 TWh ne découle de l’obligation, pour les Etats membres, d’assurer des conditions de concurrence équitables, par des mesures proportionnées, non discriminatoires et transparentes et de ne pas permettre l’existence de barrières injustifiées sur le marché de l’électricité. D’autre part, le dispositif de l’ARENH repose sur des règles s’appliquant de manière identique à l’ensemble des fournisseurs alternatifs et prévoit des mécanismes permettant de prévenir ou de sanctionner les demandes d’électricité nucléaire en amont de la période de livraison, respectivement, manifestement surestimées ou excessives.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat juge qu’est inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des principes de non-rétroactivité des actes administratifs, de sécurité juridique et de confiance légitime, dès lors que, en prévoyant son application aux compléments de prix notifiés au titre de l’année 2023, le décret attaqué se borne à tirer les conséquences de l’entrée en vigueur des dispositions du II de l’article L. 336-5 du code de l’énergie telles que modifiées par la loi de finances pour 2024.
L'EUROPE
Commission européenne
Adoption d’un nouveau paquet de sanctions contre la Russie
L'Union européenne (UE) a adopté le 23 octobre 2025 un dix-neuvième train de sanctions à l'encontre de la Russie comprenant de nouvelles mesures en matière d’énergies.
Les mesures suivantes en matière d’énergie sont adoptées :
- l’interdiction des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe à partir du 1er janvier 2027 pour les contrats à long terme et dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur des sanctions pour les contrats à court terme ;
- l’interdiction totale des transactions des grandes entreprises Rosneft et Gazprom Neft ;
- des mesures visant d'importants opérateurs de pays tiers qui garantissent des flux de revenus à la Russie. Il s’agit notamment de deux raffineries et d’un négociant de pétrole chinois qui sont des acheteurs majeurs de pétrole brut russe ;
- l’interdiction d'importation d'une variante du gaz de pétrole liquéfié (GPL) pour éviter tout contournement des sanctions ;
- l’inscription de 117 navires supplémentaires sur la liste de l'UE d’un total de 557 navires de la flotte fantôme russe. Ils sont soumis à une interdiction d'accès aux ports et à une interdiction de bénéficier de services. Des sanctions supplémentaires sont imposées tout au long de la chaîne de valeur de la flotte fantôme russe ;
- l’extension à une liste de ports de pays tiers de l'interdiction frappant les infrastructures portuaires européennes d’opérer des transactions avec des ports russes qui jouent un rôle dans l’effort de guerre russe ;
l’interdiction supplémentaire concernant des services liés à l'énergie, tels que des services scientifiques et techniques (par exemple, la prospection et la cartographie géologiques).
- Consulter le règlement (UE) 2025/2033 du Conseil du 23 octobre 2025 modifiant le règlement (UE) no 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine
- Consulter la décision (PESC) 2025/2032 du Conseil du 23 octobre 2025 modifiant la décision 2014/512/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine
Aides d’Etat : résumé des décisions du mois d’octobre 2025
La Commission européenne a rendu plusieurs décisions approuvant des régimes d’aides d’Etat dans le secteur de l’énergie au mois d’octobre :
- Autorisation de l’extension d’un régime d’aides autrichien destiné à soutenir la sécurité d’approvisionnement en électricité (6 octobre 2025, SA.113090) : l’aide soutient les exploitants de capacités (production, stockage et effacement) qui sont gardées en réserve en dehors du marché dans une réserve stratégique et qui seront activées par les gestionnaires de réseau en cas de tension du système électrique liée à une forte demande. Elle sera versée, après mise en concurrence, sous forme de subventions directes versées par mégawatt de capacité disponible de la réserve, et de paiements destinés à couvrir les coûts d'exploitation lorsque la capacité est activée.
- Autorisation d’un régime d’aides estonien d’un montant de 750 millions d’euros destiné à soutenir la sécurité d’approvisionnement en électricité (28 octobre 2025, SA.112459) : l’aide soutient les exploitants de capacités (production, stockage et effacement) qui sont gardées en réserve en dehors du marché dans une réserve stratégique et qui seront activées par les gestionnaires de réseau en cas de tension du système électrique liée à une forte demande. Elle sera versée, après mise en concurrence, sous forme de subventions directes versées par mégawatt de capacité disponible de la réserve, et de paiements destinés à couvrir les coûts d'exploitation lorsque la capacité est activée.
- Autorisation d’un régime néerlandais actualisé de 50 milliards d’euros visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (30 octobre 2025, SA.118519) : l’aide soutient la réduction des émissions de gaz à effet de serre au moyen d'une série de technologies, notamment l'électricité et la chaleur renouvelables, l'hydrogène et les carburants destinés aux transports. Le régime modifié approuvé introduit un soutien aux chaudières électriques existantes et une mesure visant à faire face au nombre croissant d'heures où les prix de l'électricité sont négatifs. L’aide sera versée sous forme de subventions directes.
Les détails de ces décisions de la Commission européenne n’ont pas tous été rendus publics et seront consultables ultérieurement dans le registre des aides d’Etat.
- Consulter le communiqué de presse de la Commission européenne du 6 octobre 2025 (régime autrichien, SA.113090)
- Consulter le communiqué de presse de la Commission européenne du 28 octobre 2025 (régime estonien, SA.112459)
- Consulter le communiqué de presse de la Commission européenne du 30 octobre 2025 (régime néerlandais, SA.118519)
- Consulter le registre des aides d’Etat de la Commission européenne
Agence de Coopération des Régulateurs de l’Energie (ACER)
Avis sur les projets de listes de projets d’intérêt commun (PIC) et de projets d’intérêt mutuel (PIM) pour 2025
L'ACER a publié le 1er octobre 2025 son avis biennal sur les projets de listes de projets d’intérêt commun (PIC) et de projets d’intérêt mutuel (PIM) proposés pour 2025.
Ces listes recensent des projets d’infrastructures énergétiques considérés comme prioritaires à l’échelle de l’Union européenne (UE), car ils jouent un rôle essentiel dans le renforcement des connexions transfrontalières entre les réseaux énergétiques des États membres, et avec des pays tiers. Ces projets peuvent bénéficier de procédures d’autorisation accélérées, d’un traitement réglementaire privilégié et de financements spécifiques, car ils permettent l’intégration des énergies renouvelables, l’amélioration des capacités transfrontalières et l’atteinte des objectifs énergétiques et climatiques de l’UE.
L'ACER, dans le cadre du rôle qui lui est attribué par le Règlement RTE-E, vérifie que les méthodologies et critères pertinents sont appliqués de manière cohérente et transparente lors du processus de sélection des projets. Dans son avis, l’ACER a constaté :
- des retards dans la disponibilité des données des plans décennaux de développement du réseau et de leurs résultats en matière de coûts-avantages qui ont entravé l'évaluation des projets ;
- les besoins en infrastructures identifiés uniquement par État membre, sans identification suffisante des besoins en capacité par frontière ;
- une distinction entre les avantages financiers et non financiers dans le classement des projets qui n’est pas claire, ce qui réduit la clarté sur la manière dont ils sont hiérarchisés ;
- l’absence de justifications des projets ajoutés aux propositions formelles des groupes régionaux ;
- la difficulté pour les régulateurs, en raison de données insuffisantes, d’évaluer correctement plusieurs porteurs de projets d’hydrogène, y compris leurs avantages sous-jacents ;
- les projets de listes PIC/PIM qui ne font pas clairement la distinction entre les projets matures et moins matures d’électricité.
L’ACER considère que ces obstacles peuvent affecter la crédibilité et la robustesse du processus de sélection des projets et recommande de :
- fournir les données des plans décennaux susvisés à temps et de bonne qualité pour le processus de sélection des projets ;
- introduire une évaluation des besoins en capacité par frontière par vecteur énergétique ;
- distinguer entre les avantages financiers et non financiers des projets ;
- assurer une plus grande transparence dans les évaluations complémentaires de projets ;
- veiller à ce que l’ensemble complet des données du projet soit mis à la disposition des autorités nationales de régulation pour mener des analyses approfondies et cohérentes dans les délais ;
- introduire des critères de maturité pour les projets électriques afin de distinguer clairement les projets matures des projets moins matures, pour garantir une priorisation transparente et permettre de soutenir les projets moins matures lorsqu'ils sont prêts à être réalisés ;
envisager plusieurs scénarios, en fonction de lignes directrices de l'ACER pour les scénarios, pour tester la robustesse des résultats.
- Consulter l’avis de l’ACER n° 10/2025 du 30 septembre 2025 sur les projets de listes régionales 2025 de projets d'électricité et d'hydrogène d'intérêt commun et de projets d'intérêt mutuel dans l'infrastructure énergétique transeuropéenne (en anglais)
LA REGULATION
Comité de Règlement des Différends et Sanctions (CoRDiS)
Raccordement d’une installation de consommation au réseau public de distribution d’électricité sur l’île de la Réunion
Le CoRDiS s’est prononcé, par une décision du 22 octobre 2025, sur une demande de règlement de différend opposant un demandeur à la société EDF et au Syndicat intercommunal d'électricité du département de La Réunion (SIDÉLEC).
Le demandeur a effectué une demande de raccordement auprès d’EDF le 22 octobre 2023 pour une installation de consommation située sur l’île de La Réunion. Cette demande a été déclarée recevable le 13 novembre 2023. Cependant, le 9 juillet 2025, le SIDÉLEC a indiqué au demandeur que le lot du marché public portant notamment sur la réalisation des travaux d’extension dans certaines communes du sud de La Réunion, dont la commune de Saint-Joseph où se situe l’installation de consommation du demandeur, avait été déclaré sans suite pour cause d’infructuosité et que des réflexions étaient en cours en interne afin de décider des meilleures suites à donner à cette procédure. C’est dans ces conditions que le demandeur a saisi le comité d’une demande de règlement de différend.
En premier lieu, le comité réaffirme que ses décisions peuvent s’imposer à une autorité organisatrice de la distribution d’électricité (AODE) agissant en qualité de gestionnaire de réseau de distribution d’électricité, au sens et pour l’application de l’article L. 134-19 du code de l’énergie relatif aux compétences du CoRDiS. En l’espèce, le comité constate que tel est bien le cas pour le SIDÉLEC qui, aux termes du cahier des charges de concession, a la responsabilité de la réalisation des travaux d’extension du réseau électrique dans le cadre du raccordement d’une installation de consommation au réseau public de distribution, lorsque cette dernière se trouve en zone rurale.
Partant de ce constat, le comité relève que c’est donc régulièrement qu’EDF a laissé au SIDÉLEC la charge d’effectuer les travaux d’extension nécessaires au raccordement de l’installation de consommation du demandeur, dont il n’est pas contesté qu’elle se situe en zone rurale au sens et pour l’application du cahier des charges. Il apparait ainsi que la société EDF, qui a, au demeurant, déclaré au cours de la séance publique être prête à réaliser les travaux concernant la « partie branchement » de l’ouvrage de raccordement dans les dix jours à compter de la mise en exploitation, n’a pas manqué à ses obligations.
En second lieu, relevant que la société EDF n’a toujours pas été mise en mesure par le SIDÉLEC de transmettre une proposition de raccordement complète au demandeur, alors que la demande de raccordement de ce dernier a été déclarée recevable le 13 novembre 2023, le comité estime que le fait que SIDÉLEC soit dans l’attente d’un « nouveau marché public », lequel n’a été notifié qu’en septembre 2024, et que la mairie de Saint-Joseph n’ait approuvé que le 18 mars 2024 « la validation du financement, indispensable à l’émission de tout bon de commande », est sans incidence sur l’étendue de son obligation de répondre aux demandes de raccordement qui lui sont soumises par l’intermédiaire d’EDF pour la partie de l’ouvrage qui le concerne au titre du cahier des charges de concession.
Dans ces conditions, le comité décide, d’une part, qu’il y a lieu d’enjoindre au SIDÉLEC de débuter, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de sa décision, les travaux d’extension nécessaires afin que le demandeur puisse accéder au réseau public de distribution d’électricité, sous une astreinte, passé ce délai, de 200 euros par jour de retard pendant une durée de six mois. D’autre part, le comité décide qu’il y a également lieu d’enjoindre au SIDÉLEC de transmettre, dans un délai d’un mois à compter de la notification de sa décision, au comité et au demandeur, toutes les informations pertinentes concernant le début effectif des travaux d’extension en cause, puis, tous les mois pendant six mois, toutes les informations relatives à l’avancement des travaux en cause, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
ET AUSSI
Réponse du Conseil des régulateurs européens de l’énergie (CEER) à la consultation publique de la Commission européenne sur le Citizens Energy Package
Dans un document publié le 9 octobre 2025, le CEER répond à la consultation publique de la Commission européenne qui s’est tenue entre le 19 juin 2025 et le 11 septembre 2025 concernant le Citizens Energy Package.
Dans ce cadre, l'organisation insiste sur l'importance de placer les consommateurs au centre des réformes, de garantir leur protection et leur capacité d'agir, et de mettre en œuvre un cadre réglementaire efficace pour accompagner la transition énergétique et l'accessibilité pour tous.